Depuis cette saison, la défenseure internationale française Aïssatou Tounkara (24 ans) porte les couleurs de l’Atlético Madrid. « Le Sport au Féminin » est parti à sa rencontre, dans son nouveau quotidien. Immersion.
Le soleil rasant est encore fort, presque anesthésiant. En ce doux samedi d’avril, le thermomètre affiche encore près de vingt-quatre degrés. Il est presque 19 heures. La Ciudad Deportiva Wanda, centre d’entraînement de l’Atlético Madrid, s’éveille. Dans les gradins, les petites filles sont là, accompagnées de leur papa et de leur maman. Les sourires inondent les tribunes. Maillots rouge et blanc sur les épaules, drapeaux dans les mains, en famille ou entre amis, les fidèles socios attendent avec impatience le coup d’envoi d’une rencontre qui pourrait faire basculer la saison de l’équipe féminine de l’Atlético Madrid. En cas de succès face au Valence CF, les Rojiblancas feraient un immense pas vers le titre de champion d’Espagne. Avec trois points d’avance sur son dauphin, le grand FC Barcelone, et à deux journée de la fin du championnat, l’Atlético a son destin en main.
Ce jour-là, le club de la capitale n’a pas tremblé, comme lancé à pleine vitesse sur le chemin de sa destinée. Ce jour-là, le public a exulté, avant de scander son nom, dans les travées de la Ciudad Deportiva. Ce jour-là, sans même le savoir, Aïssatou Tounkara a peut-être offert le titre à son équipe, en ouvrant le score d’une sublime reprise de volée, peu avant la mi-temps, d’une rencontre jusque-là cadenassée. Et ce jour-là, à l’image de ce retour à l’heure de jeu pour enlever le ballon des pieds de sa vis-à-vis qui filait seule au but, la défenseure internationale française de vingt-quatre ans a réalisé un match plein, jusqu’à sa sortie en fin de match, sous les applaudissements, pour une gêne à la cuisse. Numéro dix-neuf floqué dans le dos, l’ancienne joueuse du Paris FC s’est montrée appliquée, sereine, sûre de sa force, rassurante, au sein d’une défense madrilène qu’elle a su driver à merveille pendant près de quatre-vingt-trois minutes. Une prestation solide, ponctuée d’une réalisation pleine d’audace, pour une victoire nette (3-0) de l’Atlético Madrid. Un succès quasiment synonyme de titre, à seulement une journée de la fin du championnat.
Au crépuscule d’une soirée dignement fêtée dans l’ivresse d’une victoire acquise avec la manière, Aïssatou Tounkara a fini par faire son apparition, au volant de sa Mercedes Classe A gris métallisé, à sa sortie de la Ciudad Deportiva. À peine le temps de poser le pied par terre, que les supporters madrilènes se sont empressés de se jeter sur elle, portable à la main, avec ce seul désir, celui d’immortaliser l’instant, capturer le moment, aux côtés de leur idole. Sourire aux lèvres, la Parisienne s’est prêtée au jeu des dédicaces, avant de s’avancer doucement vers la salle dédiée aux médias, en compagnie de l’attaché de presse de l’Atlético Madrid. L’occasion, pour elle, de se mettre à l’aise, de ranger sa timidité et de se plonger dans ses souvenirs. Flashback.
Née à Paris le 16 mars 1995, Aïssatou Tounkara a grandi dans la capitale avant de prendre sa première licence tardivement, à ses onze ans, du côté des Buttes Chaumont FC. Un club qu’elle quittera en 2008 pour rejoindre Issy-les-Moulineaux, dont l’équipe fanion est en D2, puis le prestigieux FCF Juvisy (aujourd’hui Paris FC) par la suite. « Le football ? C’était une évidence, sourit la jeune femme. J’ai mis du temps à m’inscrire en club, mais j’ai toujours joué avec mes frères. Mes parents l’ont tout de suite remarqué. Et je n’ai jamais rien lâché. » Itinéraire d’une enfant acharnée, déterminée à y arriver et aujourd’hui élevée au rang de star à Madrid. « J’arrivais en fin de contrat au Paris FC et je voulais vraiment voir autre chose. Je me suis d’abord concentré sur la France. J’ai eu des sollicitations, mais j’ai finalement décidé de rejoindre l’Atlético Madrid. » À l’été 2018, le contrat est signé, l’histoire lancée. « Je revenais de blessure (une double fracture du tibia péroné contractée avec l’équipe de France, ndlr), je ne parlais pas du tout la langue. Au début, l’intégration a été un peu difficile, sourit-elle. Mais je me suis très vite habituée à ma nouvelle vie. J’ai trouvé un équilibre, même si Paris me manque parfois. »
Titulaire indiscutable en défense centrale, Aïssatou Tounkara s’est rapidement fondue dans le collectif madrilène, tout en apprivoisant le jeu espagnol. « Ici, c’est plus technique. Le jeu est moins direct qu’en France. Il y a moins de course, mais plus de plaisir. Tout se joue dans les pieds. L’impact est moindre. » Et dans les tribunes, en ville ou à l’entraînement, la différence se fait aussi ressentir. « L’engouement pour le football féminin est incroyable en Espagne. Ça change de la France. Quand on voit les tribunes remplies et tous les supporters qui sont derrière nous, ça fait énormément plaisir. » Présente lors du record mondial d’affluence pour une rencontre de football féminin entre clubs (60.739 spectateurs étaient présents au Wanda Metropolitano de Madrid en mars dernier à l’occasion du match entre l’Atlético Madrid et le FC Barcelone), l’ex-parisienne n’est pas prête d’oublier ce match, qui restera à jamais gravé dans sa mémoire. « Je ne pensais pas vivre quelque chose d’aussi grand. Vivre ça, pour ma première saison ici, c’est magnifique », lance-t-elle, des étoiles dans les yeux. Depuis deux semaines, l’Atlético Madrid a été sacré champion d’Espagne pour la troisième année consécutive. Ça non plus, Aïssatou Tounkara n’est pas prête de l’oublier.
À Madrid, Romain Boisaubert
Photo à la Une : (@DR)
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