Elle détonne par son formidable audace, dans un milieu qui ne jure que sur l’ego masculin. Mais à 23 ans, l’Espagnole Ana Carrasco, championne du monde de Superbike 300, fait taire les préjugés à coup de guidon.
« La moto, ce n’est ni féminin ni masculin. C’est un véhicule et nous sommes ceux qui la dirigeons. Tout est question de technique et de savoir-faire. Aujourd’hui, je suis une des pilotes de référence dans la compétition, tout le monde sait qui je suis et je suis dans les points à chaque course. Cela ne surprend plus que nous nous battions pour gagner. » Ne demandez pas à Ana Carrasco ce qu’elle fait là, casque Kawasaki à la main, au milieu d’un paddock noyé par des concurrents masculins qui ont trouvé en elle la nouvelle pilote à abattre. Car ce qu’elle fait, elle le fait bien. Et surtout très vite.
Surclassée de tout temps, surclassant tout le monde
Des premières victoires en catégories juniors (125 cm3) à seulement 12 ans, à la montée des échelons en Moto3, puis dans la catégorie de vitesse de Superbike 300, Ana Carrasco a toujours fait de la moto son train de vie. Et elle en a été mordue dès trois ans, en réalité, lorsqu’elle s’amusait à piquer la mini-moto de sa soeur aînée : « Quel que soit le sport de compétition, avec l’objectif d’aller au niveau mondial, il faut commencer très jeune, passer par de nombreuses catégories, et prendre un maximum d’expérience. Si tu veux apprendre, engranger de l’expérience et être prêt à courir en Championnat du Monde à 16 ans, tu dois commencer jeune et apprendre tout ce qui est possible avant » développait la pilote pour le magazine madrilène Marca.
La Murcienne, en progression constante, est devenue la première femme à obtenir des scores au Championnat International FIM CEV (2011) avant d’être promue en Moto 3 trois ans plus tard, dans l’écurie JHK Laglisse. Agée de seulement 17 ans, Carrasco épate lors de cette saison 2014 ; 8ème du Grand Prix de Valence et 15 ème en Malaisie, elle est, là aussi, la première femme à marquer des points dans l’antichambre de la moto GP.
Perdurer dans le succès
Le 30 septembre 2018, Eva Carrasco entre un peu plus dans la légende. A 21 ans, elle décroche sa première couronne mondiale en Supersport 300, l’une des trois formules principales de championnat de vitesse (avec la Moto GP, qui gère la Moto 3 et la Moto 2, ainsi que le Superbike). Le Supersport 300, créé en 2017, se dispute sur des surfaces pavées, et est à ne pas confondre avec son assesseur du Supersport classique. Victorieuse sur les circuits d’Italie et du Royaume-Uni, la pilote Ibérique, coqueluche de l’écurie junior Kawasaki de David Salom, repousse une nouvelle fois les limites historiques (et si fébriles) de la femme en vitesse moto, puisque là aussi, elle devient LA première de l’histoire à s’imposer sur un circuit sur piste face à des opposants masculins. Pour celle qui avait quitté précipitamment la Moto 3 en 2015, alignant de nombreux pépins : grave blessure au genou, problèmes de sponsoring…, le come-back est parfaitement réussi. Au volant de sa Kawasaki Ninja 400, Ana Carrasco est devenue une star incontestée de sa discipline. Championne du monde dans un sport mixte, après tout, c’est du jamais vu ! De quoi peut être, sous le regard avisé du quintuple champion du monde de Moto GP Marc Marquez, donner des idées à des passionnées.
« Ce qui est clair, c’est qu’elle a ouvert la porte à d’autres femmes et leur a montré que c’était possible » lance le champion incontesté de l’écurie Honda. Alors, pour l’Espagnole, qui continue de jouer les premiers rôles en Supersport 300 (3ème en 2019, et victorieuse cette saison lors du premier Grand Prix, disputé sur le Circuit de l’Algarve la semaine dernière), il y a de quoi voir venir. Si la possibilité d’intégrer le paddock royal de la moto GP, en compagnie de Marquez, Rossi et autres Quartararo reste hypothétique, l’énergique motarde n’en démord pas : les résultats vont suivre pour la suite de sa carrière, et elle finira par réussir à intégrer totalement la mixité dans le monde de la moto. Et après tout, ce ne serait qu’un comble pour cette championne qui fait déjà tant progresser son sport.
Photo à la Une : (@Gold and Goose)