Caroline Cruveillier à 23 ans, est déjà très ambitieuse. Cette boxeuse née à Istres (près de Marseille) et licenciée au Noble Art du Pays d’Aix, fait déjà partie des meilleures mondiales. Avec Paris 2024 en ligne de mire, elle ne s’interdit rien.
Petite, elle voulait faire comme son frère aîné. Elle l’a suivi au judo, au tennis de table… et à la boxe anglaise. Même si au début ça ne plaisait pas forcément à sa mère. Très vite l’entraîneur à remarquer des bonnes aptitudes dans la discipline et l’a inscrit dans des compétitions amateures. Le début d’une histoire loin d’être terminée, avec Nadjib Mohammedi (boxeur professionnel) comme entraîneur.
Comment avez-vous atteint le haut niveau ?
J’ai commencé la boxe à l’âge de 12 ans. Au départ, je ne voulais pas faire de compétition, juste m’amuser. Finalement, j’y ai vite pris goût. J’enchaînais les victoires jusqu’à une place de vice-championne de France cadette. Ce qui m’a permis d’entrer en équipe de France espoir à 14 ans. Pendant quatre ans, je me suis fait mon expérience grâce au stage préparatoire. À mes 18 ans, je suis passée en senior, et j’étais intégré à l’équipe de France olympique. La première année, je n’ai pas fait de combat avec eux, seulement les stages.
“Alors en 2019, j’enfilais les gants pour la première fois sous l’équipe sénior. J’ai performé de suite”
Caroline Cruveillier
Je suis devenue championne d’Europe U22. Ensuite, j’ai pris la médaille de bronze aux championnats d’Europe élite, ce qui m’a qualifié aux mondes. Et en octobre de la même année, je suis devenue vice-championne du monde en Russie.
Vous avez pratiqué beaucoup d’autre sport, comme la GRS, le judo, l’équitation… Qu’est-ce qui vous a fait rester dans la boxe ?
Déjà, vous l’aurez compris, j’aime beaucoup les sports individuels, car il n’y a que moi qui peux être actrice de ce que je fais. Si je perds, je peux m’en prendre qu’à moi et inversement, si je gagne. Dans la boxe, j’aime cet affrontement, l’intelligence de combat, de toucher, sans se faire toucher.
“Les gens qui ne connaissent pas la boxe, disent qu’on est des bourrins, mais en fait il y a énormément de techniques et de tactique, c’est ça que j’aime”
Caroline Cruveillier
Après, il y a la notion de compétition. En 2020, je n’ai pas pu faire de compétition à cause de la pandémie mondiale et d’une blessure au poignet. Je le vivais mal, car c’est ça qui m’anime le plus. Ça me permet de me fixer des objectifs. Quand on est athlète, on vise quelque chose, mais quand on l’atteint, on vise encore plus loin. C’est ça le sport, on veut toujours aller plus haut ! Quand j’ai commencé la boxe jamais j’ai imaginé que j’allais devenir celle que je suis aujourd’hui et encore moins que j’allais être vice-championne du monde. Maintenant, j’ai aucune limite. Le sport, c’est trop beau !
Votre catégorie de combat, les moins de 54 kg, n’est pas une catégorie olympique. Est-ce uniquement pour ça que vous n’êtes pas de la partie à Tokyo ?
En partie, oui. Après les mondes, j’ai fait un championnat de France en moins de 57 kg, car c’est une catégorie olympique. Mais je ne me sentais pas bien du tout. Je n’étais pas athlétique, j’étais lente. Après les Jeux ont été reporté, j’en ai profité pour me faire opérer deux fois du poignet. C’est qu’en septembre, que j’ai repris la compétition. J’ai concouru en moins de 51 kg (une autre catégorie olympique), pour espérer me qualifier au tournoi olympique mondial.
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Malheureusement, il a été annulé, alors la sélection aux Jeux s’est faite au ranking (un nombre de points accumulés par rapport aux différents combats). Malgré ma place de dauphine au ranking mondial des poids coqs (-54 kg), je n’ai pas pu être sélectionnée du fait que j’avais combattu qu’une seule fois en moins de 51 kg.
Comment allez-vous rebondir pour Paris 2024 ? Allez-vous continuer d’évoluer dans cette catégorie (-51 kg) ?
Paris 2024, c’est mon objectif ultime. Tokyo ça aurait été du bonus, si j’avais pu le faire, je l’aurais fait. Maintenant, je sais que c’est mort. Il faut se concentrer sur l’objectif de base. En plus, ils devraient ajouter des catégories. Notamment ma catégorie de base, les –54 kg.
Après, peut-être qu’ils vont faire comme pour les hommes. Ils vont changer toutes les catégories, avec par exemple une catégorie 53 kg et une autre 56 kg. Mais tout ça, on ne le sait pas encore, on le saura qu’après Tokyo.
Ça a l’air d’être une véritable galère ces histoires de poids. Comment gérez-vous ça ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de catégories. Mais ce qui est bien, c’est qu’on peut être classé dans plusieurs catégories. En 51 kg, c’était très compliqué de perdre le poids nécessaire tout en étant performante. En 57 kg, j’étais beaucoup trop lente, je n’arrivais pas à me déplacer. La catégorie de 54 kg, c’est vraiment celle qui me convient. J’arrive à m’alimenter convenablement et faire de la bonne boxe.
Physiquement, n’est-ce pas éprouvant toutes ces variations de poids ?
Là, je reviens d’un championnat où j’ai concouru en 54 kg et j’ai déjà repris 3 kg… Alors bon, je ne pèse pas constamment mon poids de forme. Je le fais quand je dois le faire. Donc c’est sûr que descendre à 51 kg, c’était vraiment dur. En plus, je l’ai fait hyper rapidement, je n’étais vraiment pas bien. C’est là où il faut faire attention. J’avais des carences en tout.
Ce n’est pas juste sur l’instant T où tu ne te sens pas bien, mais c’est aussi après, quand il faut reprendre une alimentation normale. Le corps qui est totalement épuisé. Il faut savoir que c’est dans ces moments qu’interviennent les blessures… Alors perdre du poids n’est pas bon pour notre santé. Maintenant, je suis suivie par une diététicienne pour gérer tout ça.
Vous n’avez que 23 ans et déjà un beau palmarès. Est-ce que cela est suffisant pour en vivre ?
Malheureusement pas encore. La boxe ce n’est pas un sport médiatique. C’est un sport orphelin, on n’en parle pas assez. Personne ne sait que je suis championne d’Europe et vice-championne du monde si on ne me connaît pas.
“Je le répète, mais en France la boxe n’est pas hyper développée… Il n’y a qu’à l’étranger qu’on peut mettre des gants.”
Caroline Cruveillier
J’aimerais, grâce à mes résultats, mettre la boxe en avant. Là, je suis suivie par la FDJ Factory jusqu’en 2024. Mais c’est tout. Faut que j’arrive à intégrer la recherche de sponsor, car c’est compliqué de pouvoir partir s’entraîner ou combattre à l’étranger.
D’où cette cagnotte en ligne I Believe In You que vous avez créée. Maintenant, quelle est la suite ?
Je prépare les championnats du monde qui ont lieu en octobre. Il faut que je sois performante en compétition internationale pour préparer au mieux Paris 2024. En plus de ça, je vais reprendre des « études » et commencer un diplôme d’état boxe à partir de septembre. Après la boxe, je ne sais pas ce que je veux faire, mais au moins ça me fait des formations.
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Même si j’ai déjà obtenu un DUT Gestion des Administration et des Entreprises (GEA), je ne pouvais pas continuer les études longues avec la boxe, puisque je m’entraîne deux fois par jour.
Justement, ça ressemble à quoi une journée de boxeuse de haut niveau ?
Je m’entraîne le matin, parfois à 9h, parfois à 10h, ça dépend. Après, je rentre chez moi pour manger et me reposer un petit peu avant de rejoindre mon kiné pour faire des soins ou de la récupération. Puis je retourne à l’entraînement en fin de journée jusqu’à parfois 20h, avant de manger et partir pour une bonne nuit de sommeil.
Ça fait des grosses journées. Mais n’est-ce pas trop lassant ?
Non pas du tout. Même si mes journées sont globalement formées de la même manière, elle ne se ressemble en rien. En plus, mon entraîneur sait que je déteste faire la même chose d’une journée sur l’autre. Alors il varie énormément les entraînements.
Surtout qu’il y a énormément de point à bosser dans la boxe, on peut varier entre le combat et la préparation physique déjà. En tout cas, je déteste avoir deux entraînements identiques dans la même semaine, ça m’énerve.