Après des Jeux Olympiques réussis et une médaille d’argent remportée en fleuret par équipe, Astrid Guyart a finalement mis fin à sa belle carrière en escrime. Celle qui a écrit quelques unes des plus belles pages du fleuret français s’est confiée pour Le Sport au Féminin à l’occasion du Moselle Open où elle était aux commentaires. Sa fin de carrière, son nouveau rôle au sein du CNOSF, ses projets personnels et professionnels, l’ancienne escrimeuse n’a clairement pas le temps de s’ennuyer ! Extraits.
On a tous cette image de l’équipe de France de fleuret sur la deuxième marche du podium de ces Jeux Olympiques de Tokyo. Malgré une rencontre pleine de combativité, les Françaises s’étaient malheureusement inclinées face aux championnes russes.
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Malgré cela, l’exploit est là puisque le fleuret féminin n’était pas monté sur un podium olympique depuis 1984. Après cette belle victoire, Astrid Guyart a donc mis fin à sa carrière, après avoir remporté de très nombreuses médailles, notamment lors des Championnats du monde mais aussi d’Europe. Aujourd’hui, la native de Suresnes peut pleinement se concentrer à sa vie personnelle mais également à son métier d’ingénieure en aérospatiale.
Tout d’abord pouvez-vous nous parler de l’évènement “Commente ton Moselle Open” ?
“Commente ton Moselle Open” est un évènement organisé depuis quelques temps maintenant par la BNP Paribas. Ils offrent la possibilité à des personnalités du sport de commenter des matchs de tennis. Adorant pratiquer le tennis, je ne pouvais qu’accepter.
Quelle place occupe le tennis dans votre vie ?
J’ai une histoire personnelle avec ce sport. Quand j’avais autour de huit ans, je pratiquais l’escrime et le tennis, en même temps. Puis au bout d’un moment, il a fallu choisir, puisque c’était compliqué de pratiquer les deux de manière intensive. J’ai donc choisi l’escrime car j’y avais toutes mes copines mais, au fond, j’adore le tennis.
Je peux courir pendant des heures après la balle. Je suis increvable. De l’amorti, à la balle croisée court, mon plaisir est de tout renvoyer et de finir le point avec un gros coup droit long de ligne. J’aime cette idée de pouvoir couvrir tout le terrain, d’anticiper les choix adverses tout en mettant de l’intensité physique. C’est un sport très psychologique aussi où on finit par rentrer dans la tête de son adversaire.
Avec le football, c’est certainement un sport qui fera partie de ma reconversion. En mode loisir j’entends bien sûr. En ce qui concerne l’évènement “Commente ton Moselle Open”, j’avais déjà eu l’occasion de commenter des matchs d’escrime.
Je n’arrivais donc pas en terre inconnue. J’essaie à chaque fois de me mettre à la place des athlètes. Je tente de déchiffrer quels choix tactiques s’offrent à eux, je me pose la question de ce qu’ils peuvent ressentir, dans quel état d’esprit ils sont. J’aime me projeter comme cela.
Vous avez arrêté votre carrière après les Jeux Olympiques, cela n’a pas trop été difficile de tourner cette page ?
Non, cela n’a pas été difficile dans le sens où j’ai déjà eu un an de rab à cause du report des Jeux Olympiques de Tokyo. Pour le coup, c’est comme si mon corps me remerciait d’arrêter ma carrière. Physiquement et psychiquement, je commençais quelque peu à fatiguer. après 20 ans de carrière.
Il faut savoir être honnête avec soi-même et je commençais à sentir que j’arrivais à un moment que je ne pourrais plus progresser. On ne peut plus être bon quand on a la sensation qu’on ne peut plus être meilleur. Et puis, j’avais également l’envie de passer à une nouvelle étape de ma vie, que ce soit personnellement et professionnellement.
Je pense qu’il faut savoir être à l’écoute de son corps et de ses ressentis. Ce n’est pas la peine de pousser trois ans de plus uniquement parce que les Jeux sont à la maison en 2024, si on ne le sent pas réellement.
“Une fierté de pouvoir amener son arme au plus haut niveau !”
Avec le recul, quel goût a cette médaille d’argent ?
Bien évidemment c’est la joie, le sentiment d’accomplissement qui a prédominé après la finale. La fierté et le partage aussi. Le partage parce que c’est le principe d’une victoire en équipe, on perd ensemble et on gagne ensemble. Bien sûr on préfère tous la deuxième option.
La fierté également, c’est la victoire de toute une équipe, de tout un collectif. Je suis l’ancienne de la bande et j’ai vu défiler tant de tireuses au cours de ma carrière. Chacune a contribué à cette médaille. Naturellement on pense à toutes les filles qui sont restées à Paris et avec lesquelles on s’est entraînées pendant toute la préparation.
Il y en a même une qui y a laissé son genou. C’est donc une fierté de représenter son pays mais aussi ce collectif. Et c’est également une fierté de pouvoir amener son arme au plus haut niveau ! Cela faisait 37 ans que le fleuret féminin n’était pas monté sur un podium olympique, on est heureuses d’avoir pu le faire ensemble.
Chez vous, l’escrime est une affaire de famille ! Comment est-il rentré dans votre vie ?
C’est un pur hasard. Mon frère en faisait déjà, j’étais plus petite de deux ans, donc j’ai voulu faire comme mon grand frère. Ca a commencé comme cela. J’accompagnais souvent ma mère lorsqu’elle allait chercher mon frère après sa séance d’escrime.
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Jusqu’au jour où j’ai eu l’âge réglementaire, cinq ans, pour pouvoir commencer à jouer. Le maître d’armes m’a mis un fleuret entre les mains et m’a proposé d’essayer, ce que j’ai fait. C’est un hasard total, si je ne me trompe pas nous sommes les premiers dans la famille à avoir pratiqué l’escrime.
C’est donc au détour d’un forum des associations, on entend du bruit et on monte dans la salle d’armes pour voir de quoi il s’agit. Ca plait à mon frère, et il décide de s’inscrire. Comme je disais, ce sont des hasards de vie, mais des hasards qui font bien les choses !
Depuis peu vous êtes membre du CNOSF, quelles sont vos ambitions à ce poste ?
Au CNOSF, j’ai deux rôles : secrétaire générale adjointe et co-présidente de la Commission des Athlètes de Haut Niveau. Pour ce dernier j’ai été élue par mes pairs, les sportifs de haut niveau et les olympiens français et de ses partenaires. Pour le reste, c’est la présidente du comité, Brigitte Henriques, qui m’a proposé de faire partie de son bureau exécutif.
L’ambition, c’est évidemment de porter la voix et le point de vue des athlètes au sein des instances et de mettre les athlètes au cœur des décisions. Aujourd’hui, on constate un éloignement entre les institutions et les athlètes eux-mêmes. C’est très important de reconnecter ces deux mondes car l’intérêt est commun.
Je pense notamment à la quête de médailles pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Plus il y aura de médailles, plus la fête sera belle et populaire, plus il y aura de pratiquants et de licenciés dans les clubs. Les athlètes fédèrent autour d’eux et peuvent créer un engouement. Ce sont des acteurs clés pour faire de la France une nation sportive.
“Me taire, c’est un peu les trahir”
Je suis quelqu’un d’assez engagé. C’est quelque chose de naturel chez moi. Ce qui est beaucoup moins naturel pour être tout à fait honnête, c’est de ne pas m’engager justement.
Je le constate tous les jours. C’est vrai que j’ai des convictions, des ressentis, des opinions, je ne les impose pas, mais, quand la cause me semble juste ou dans l’intérêt des athlètes, cela me semble important de les exprimer.
A l’inverse, ne rien faire me coûte énormément, car ce sont les sportifs de haut niveau qui pourraient en pâtir. J’ai donc l’impression que, me taire par simplicité, c’est un peu les trahir. Si on veut changer les choses, il ne sert à rien de les commenter de l’extérieur. Il faut bouger le système de l’intérieur.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Tout ça est encore un peu en cours de construction. Ce qui est certain, c’est qu’une olympiade, ça vous change. A côté de ma carrière, je travaille pour Arianegroup. Il va falloir redéfinir les contours d’une nouvelle mission pour voir où et comment je peux être utile.
Il y a des enjeux très importants et déterminants pour la suite de l’aventure spatiale européenne. Je pense notamment au lanceur Ariane 6 qui décollera en 2022 depuis Kourou. J’ai également des projets plus personnels avec mes livres jeunesse, “Les incroyables rencontres de Jo”.
C’est une collection autour des valeurs du sport. C’est mon bébé, mon “précieux” même je dirais. Ca me tient vraiment à cœur de faire vivre ce projet, quelque soit la forme qu’il prendra. Puis, bien évidemment, j’ai également des projets familiaux. Je ne manque donc pas de projets, et c’est heureux !