Fanny Horta a tiré sa révérence sur une médaille olympique avec l’équipe de France à 7 en août dernier à Tokyo. Depuis l’annonce de sa retraite sportive, la vice-championne du monde 2018 a décidé de réaliser un master d’accompagnement à la performance et pouvoir ainsi accompagner mentalement les athlètes pendant leur carrière. Pour expliquer les besoins des athlètes, Fanny Horta s’est confiée pour Le Sport au Féminin à l’occasion des Sportel Awards à Monaco.
La capitaine des Bleues à 7 a tourné la page de sa carrière de haut niveau après une médaille d’argent aux Jeux Olympiques à Tokyo. Après plus de 15 ans dans l’élite du rugby, Fanny Horta a décidé de raccrocher les crampons mais elle va rester active dans le monde de l’ovalie. À 35 ans, la native de Perpignan va se consacrer dans l’accompagnement des athlètes et fait partie de la commission des athlètes qui travaille sur la préparation des Jeux Olympiques 2024.
C’est une nouvelle vie qui commence, il y a encore un peu de nostalgie ou c’est un soulagement ?
Il y a un petit peu de nostalgie bien évidemment parce que je sais que la saison est en train de reprendre et que forcément on n’est pas avec le groupe. Il y a beaucoup d’excitation à l’idée de pouvoir faire autre chose et de pouvoir rebondir sur ça. À l’heure actuelle, je fais un master d’accompagnement à la performance, que je trouve super intéressant. Il se fait à Quiberon, c’est l’école nationale de voile qui le propose. Ce sont les précurseurs de la préparation mentale en tout cas dans la préparation pour des échéances et des compétitions. Comme on le sait quand ils partent en solitaire ce n’est pas facile donc ils ont très vite compris l’utilité et l’importance de bien préparer l’athlète à vivre des moments assez particuliers. C’est vraiment quelque chose qui m’intéresse et j’ai pour projet de pouvoir accompagner des groupes sportifs.
On ne comprenait pas pourquoi l’athlète craquait complètement avant des enjeux importants alors qu’il était bien préparé. »
Des adultes ou des enfants ?
Les adultes et les enfants. Ce qui m’intéresserait le plus à l’heure actuelle ce serait de continuer à travailler sur le projet sur lequel on était avec l’équipe de France à 7. On y travaille depuis quelques années maintenant pour arriver à le maîtriser suffisamment et pouvoir après le déplacer chez les jeunes filles. Pour justement dès le plus jeune commencé à les accompagner dans leur vie d’athlète de haut niveau, les accompagner dans leur vie de future femme et d’étudiante.
On n’a pas forcément une formation qui permet de gérer un ensemble d’individus avec toutes ses particularités.»
C’est prendre en compte l’athlète dans son aspect global et accompagner aussi les staffs dans l’accompagnement des groupes parce que ce n’est pas tout le temps évident. Dès fois on a une formation d’entraîneur mais on n’a pas forcément une formation qui permet de gérer un ensemble d’individus avec toutes ses particularités émotionnelles, familiales et personnelles. On s’est rendu compte qu’on avait évolué en travaillant essentiellement sur le groupe et qu’on a continué à s’entraîner et faire du rugby. C’est basique mais le simple fait de travailler sur le groupe, nous a permis déjà d’évoluer et d’améliorer nos compétences.
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L’aspect mental est essentiel dans le sport de haut niveau ?
C’est complètement ça, je pense qu’à l’époque on demandait à un athlète d’être fort tout simplement mais on ne se préoccupait de savoir si dans sa vie ça allait. On ne comprenait pas pourquoi l’athlète craquait complètement avant des enjeux importants alors qu’il était bien préparé. Je pense que le fait de prendre en compte l’athlète c’est pour l’accompagner au mieux et l’adapter à chaque fois en fonction de son état. On est humain.
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Ça vous a manqué dans votre carrière ?
À certains moments ça m’a demandé beaucoup d’efforts. Je pense qu’un accompagnement aurait été important même au sein des groupes. Je pense que je prends en compte 2016 [Les Bleues terminent à la 6ème place]. On part faire les Jeux et je pense que physiquement on est bien préparé mais humainement il nous manquait cette solidité. À l’approche des évènements stressants, il y a vraiment tout qui remonte et dès fois les groupes éclatent. On a l’impression d’être soudé, d’être ensemble et finalement on ne l’était pas. Ça fait partie des moments assez douloureux quand on y repense mais quelque part c’est à partir de ces moments-là qu’on a pris conscience de l’importance et qu’on a commencé à travailler dessus. Il n’y a rien qu’à voir maintenant où ça nous a mené. On retrouve vraiment l’importance de ça.

Justement, vous êtes partie sur une médaille d’argent, c’est un peu l’aboutissement de toutes ses années, parce que vous avez été là dès le début de cette équipe de France ? Et que pensez-vous de la génération actuelle ?
C’est beaucoup de fierté que de finir là-dessus. Après ça reste un petit échec mais un échec qui je pense nous permettra aussi de rebondir vers des aspects aussi intéressants à travailler avec le groupe. Même si je n’en fais plus partie, on va faire un débriefing bientôt pour pouvoir reparler de ses Jeux et comment on l’a vécue. Je trouve que c’est essentiel pour pouvoir préparer la suite. Pour les jeunes c’est aussi une manière de leur faire goûter à l’olympisme. C’est quelque chose dans ce sport qui n’est pas vraiment développé, ce n’est pas quelque chose où l’on met l’accent et je trouve que cette médaille permet aussi aux jeunes générations de se dire « Ah ouais ! je peux quand même être championne olympique. » Il y a cette possibilité-là. Être championne olympique en jouant au rugby, moi je ne l’aurais jamais rêvé parce que ça ne l’était pas. On pouvait le rêver depuis 2016 mais là on peut le faire donc j’espère que ça leur a donné envie et matière à travailler.
Je pense qu’il faut se fixer un objectif à la hauteur de nos capacités. »
C’est l’objectif qu’elles se fixent en 2024 ?
Je pense qu’il faut se fixer un objectif à la hauteur de nos capacités. Je pense qu’effectivement on est en mesure de pouvoir faire mieux mais on peut aussi faire pire si on ne travaille pas comme il faut et qu’on ne met pas les bons ingrédients.
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Il y a d’autres nations qui progressent pendant ce temps-là, il n’y a pas que les Blacks ?
Complètement, on l’a vu contre les Fidjiennes. Quand on gagne contre elles, on a senti qu’il y avait beaucoup de questionnements par rapport à notre victoire. Très vite, le monde du rugby s’est rendu compte que ce n’était pas une petite équipe, c’était une très belle équipe. Les Fidjiennes parmi tant d’autres, il y a la Chine. Il y a des équipes qui explosent, ils mettent vraiment les moyens sur la performance et qui en plus de ça, performe. Elles ont des résultats, on sent qu’elles peuvent faire quelque chose. Elles peuvent dans pas longtemps rivaliser avec les meilleures.
Le sport doit être considéré comme des compétences au même titre qu’une compétence intellectuelle. »
Vous allez aider vos anciennes coéquipières mentalement pour cette échéance ?
(Sourire) C’est tout à fait le projet que j’aimerais proposer à la Fédération et je trouve que c’est quelque chose de très intéressant. Intervenir aussi pourquoi pas dans des académies, dans du scolaire. Je pense qu’on peut aimer jouer au rugby, pas forcément avoir l’ambition d’être aux portes de l’équipe de France mais il peut aussi avoir un aspect accompagnement pour permettre à ses jeunes filles de continuer leur pratique tout en mêlant leurs études. Pour moi, c’est ce que j’ai envie de faire remonter. Il y a eu pas mal de débats après les Jeux. Je pense que le sport doit être considéré comme des compétences au même titre qu’une compétence intellectuelle parce qu’il développe énormément de capacités d’adaptation, d’efforts, de volonté, de courage, de solidarité. C’est une boule d’énergie, une boule de valeur qui à mon avis doit être mise en avant.
Bastien Boname et Romain Boisaubert