La navigatrice morbihannaise découvre cette année La Solitaire du Figaro. Après avoir déjà participé à la Mini Transat en 2017 et à la Transat en double au mois de mai dernier, Estelle Greck se confronte aux difficultés de l’une des courses les plus mythiques du monde de la voile. Entre deux étapes en mer, la skippeuse s’est confiée pour Le Sport au Féminin.
Participé à La Solitaire du Figaro n’est pas de tout repos. Pour sa première participation, la skippeuse Estelle Greck en fait l’amère expérience après trois étapes compliquées (28ème sur 34). L’ancienne matelot pour la Brittany Ferries ne connaissait pas l’univers du Figaro avant cette année. Pour ses premières courses avec un Figaro Bénéteau 3, la Bretonne continue d’en comprendre les subtilités. À 30 ans, la skippeuse rêve bien sûr de Route du Rhum ou de Vendée Globe mais son avenir devrait encore s’écrire avec le Figaro pour continuer à s’améliorer.
Vous participez actuellement à votre première Solitaire du Figaro, qu’est-ce que vous avez ressentie au départ de la course ?
J’étais fière de pouvoir être au départ de cette course, parce que c’est une course mythique, une course très dure et reconnue dans le milieu. J’étais vraiment heureuse de pouvoir participer à cette course.
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Vous venez de finir la 3ème étape ce jeudi (29ème sur 34), qu’est-ce que vous retenez de ses quatre jours de course ?
Ça été très intense pour moi, ça été l’étape la plus dure parmi les trois étapes parce qu’on a vraiment eu des conditions météorologiques assez difficiles avec du petit temps, de la brume et de l’incertitude. La météo n’est pas toujours fiable malheureusement. Il y avait aussi de la fatigue physique parce qu’on a fait beaucoup de manœuvres et elle s’accumule après les deux premières étapes. La quatrième et dernière étape [départ dimanche de la Baie de Morlaix pour rejoindre Saint-Nazaire] va être dure parce qu’on commence à être fatigué physiquement.
Il vous reste donc la dernière étape qui débute dimanche mais quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?
J’aimerais beaucoup refaire une saison en Figaro l’année prochaine parce que j’ai encore tellement de choses à apprendre. J’ai envie de continuer à découvrir le support et d’améliorer ce que j’ai commencé à faire. Et après, en vision un peu plus lointaine, comme 90% des coureurs, on rêve tous de faire un Vendée Globe.

Cet objectif du Vendée Globe, vous le visualisez dans le temps ? Plutôt 2024 ou 2028 ?
Pour 2024, vu l’engouement ça paraît un peu juste mais pourquoi pas. Le nombre d’inscrits à ce jour fait un peu peur mais 2024 ou 2028.
Dans la voile, ça se joue beaucoup au mental et justement on dit souvent que les femmes ont un très bon mental »
Vous êtes dans un sport où les femmes sont minoritaires, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que plus de femmes viennent dans le monde de la voile ?
Il faut en parler, ce qui est bien c’est qu’il y en a de plus en plus. Ça fait pas mal d’années que je navigue et on voit quand même la différence donc ça c’est chouette. D’en parler, de faire découvrir notre sport, de leur dire que c’est accessible à tout le monde si nous on le fait aujourd’hui, c’est possible pour tout le monde. Ce qui est intéressant dans ce sport, c’est qu’il n’y a qu’un seul classement. On se bat à armes égales contre les hommes ce qui est très rare dans le sport et ça montre bien qu’une femme est totalement capable de gagner autant qu’un homme. Dans la voile, ça se joue beaucoup au mental et justement on dit souvent que les femmes ont un très bon mental.
Est-ce que plus jeune vous rêviez de faire de la course au large ?
Vers l’âge de 12 ans, on commence souvent à réfléchir à ce qu’on veut faire plus tard et j’ai toujours voulu faire de la course au large. Depuis que je suis au collège, mon rêve c’est de faire de la course au large et ça a toujours été le cas. Et aujourd’hui je suis heureuse de pouvoir en vivre et que ce soit mon métier à l’heure actuelle.
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En rapport humain, qu’est-ce que vous a apporté la voile personnellement ?
Cette année, j’ai travaillé avec une préparatrice mentale, Anne-Julie Briend, pour me préparer au mieux dans cette course parce que c’est du sport de haut niveau. Et après personnellement c’est sûr qu’on apprend beaucoup. Par exemple pour l’instant au niveau du classement ce n’est pas la Solitaire du Figaro à laquelle je m’attendais. Il y a forcément un peu de déception mais je sais que ça me fera grandir et que j’aurais encore plus envie de me donner l’année prochaine pour revenir encore meilleure.

Ça fait longtemps que vous êtes dans le monde de la voile, comment vous arrivez à vous déconnecter par moments ?
C’est important de faire des pauses sur une saison, on dit souvent qu’on mange bateau, on vit bateau. C’est un sport qui est très prenant parce qu’il y a un aspect technique vu qu’on a notre bateau aussi à s’occuper donc c’est du H24. Cette année je me suis vraiment forcé à essayer de ne pas tout le temps aller au bateau, de ne pas m’occuper du bateau le week-end et de prendre vraiment des vrais week-ends. Ce n’est pas toujours facile mais je me force à ça. Je fais des coupures dans la saison pour pouvoir déconnecter et revenir meilleure parce qu’on se rend compte que si on ne fait pas de coupures, on n’est pas aussi bien. C’est vraiment important dans nos saisons de couper à des moments.
Cette année je me suis vraiment forcé à essayer de ne pas tout le temps aller au bateau et de prendre vraiment des vrais week-ends »
Je reviens sur votre parcours. Vous avez participé à la Mini-Transat en 2017 (15ème sur 56 et 2ème féminine) ou bien à la Transat en double cette année avec Laurent Girvy, quelle est la course qui vous rend la plus fière ?
La Mini Transat car je pense que l’expression « Passe ta Mini, d’abord », c’est ce qu’on dit dans le milieu, est vraie. En Mini tu es toute seul sur l’eau, c’est-à-dire que tu n’as pas de moyens de communication, tu es vraiment toute seul s’il t’arrive une casse, il faut bricoler. Il n’y a pas d’ordinateurs à bord donc on fait tout sur une carte papier et c’est ultra formateur. Pour moi, finir une Mini Transat, c’est gratifiant parce qu’on est vraiment toute seul à bord.
J’ai vraiment envie de continuer le Figaro pour en découvrir plus donc c’est l’objectif de l’année prochaine »
Vous l’avez déjà un peu dit mais on vous retrouve l’année prochaine pour La Solitaire du Figaro mais est-ce que vous avez d’autres objectifs pour 2022 ?
Je rêve aussi de la Route du Rhum mais malheureusement pour 2022 ça va être trop juste. Je préfère faire une vraie Route du Rhum dans cinq ans, avoir le temps de la faire plutôt que de faire un projet en un an. J’ai vraiment envie de continuer le Figaro pour en découvrir plus donc c’est l’objectif de l’année prochaine. Il y aura une discussion avec les partenaires pour pouvoir refaire une saison en Figaro l’année prochaine.