À vingt-six ans, Johanne Defay est considérée comme la meilleure surfeuse française. Elle s’est confiée, sans tabou, pour GQ sur le surf féminin et ses coulisses. Extraits.
Son confinement
« Tout est flou pour l’instant. Donc je continue à m’entraîner car, de toute manière, quand on est sportif de haut niveau, on a besoin de notre dose ! Même s’il n’y a pas d’objectif. Je fais deux entraînements par jour, sinon je pète un câble ! J’alterne le cardio, musculation, yoga. La maison est au milieu d’une boucle de 2,3 kilomètres, je fais des tours à vélo aussi. La course à pied est importante pour la base cardio. Mais cela aide surtout à récupérer pendant les voyages. Je ne reste jamais plus longtemps que trois semaines au même endroit normalement, de février à décembre. On a ces exercices d’équilibre, de proprioception. Quand je parle de muscu, on va travailler les fondamentaux mais on fait beaucoup de proprioception quand on approche des événements. Là, on est revenu sur une base assez standard, fondamentale, dirais-je. Lors de mes voyages, je n’ai pas tout le temps accès à une salle de sport. Du coup, je n’ai pas beaucoup de temps à mettre dans la base de la base. Donc ce confinement va sûrement me permettre d’améliorer cela.»
Les femmes dans le surf
« Je suis d’une génération où Instagram est arrivé plus tard, j’avais 19–20 ans. J’ai pu vraiment en ayant conscience de tout cela, choisir ce que je voulais montrer, choisir les valeurs à transmettre. Maintenant, que ce soit avec les médias ou les sponsors, on essaye, en tout cas moi, de parler de valeur, de sport et, bien après, de plastique. Dans une période comme aujourd’hui, de crise, on cherche des choses qui nous motivent, qui nous bougent, nous parlent, avoir des émotions et pas juste une photo qui nous fait rêver. Nous sommes dix-huit en division 1. C’est ma septième année en première division. Une gagnante d’une des dix compétitions empoche 110.000 dollars. L’année dernière, la WSL était le premier sport au monde à mettre les Prize money masculin et féminin aux mêmes montants. C’était moitié avant, 60.000 dollars. Toutes les épreuves que j’ai gagnées, je l’ai fait avec l’ancien système !»
Les abus des sponsors
«Quand j’ai dû échanger avec mes sponsors et qu’ils m’ont dit : non mais en fait tu n’as pas d’images alors que je venais de faire championne d’Europe de surf… Je leur ai dit : Je ne comprends pas, vous voulez quoi ? Il faut que la marque soit claire sur ce qu’elle veut, sur les valeurs qu’elle veut véhiculer. Si c’est du sport, on paie une sportive et ils font du marketing qui vont dans cette direction. Et si une marque veut vendre du rêve, ce qui se comprend, il faut prendre une fille dont le travail numéro 1 ne sera pas de surfer mais de faire vendre les produits avec modèle. Avec des beaux voyages à la clé lors desquels tu fais des photos. J’étais chez Roxy de mes 12 à 19 ans. Ils me l’ont fait à l’envers. Le motif de l’arrêt du contrat, qui n’avait pas été clairement dit mais il y avait des rumeurs insistantes, est que je n’avais pas le physique qui allait parfaitement pour les photos. Voilà quoi… Quand tu es une nana, que tu as 19 ans et que tu es championne d’Europe de surf, tu te demandes ce qu’il se passe. Je ne comprends pas ce que devais faire de plus. Je faisais du surf et plutôt bien. Dans le développement de la personne, ce n’est pas non plus facile ! Le sujet est difficile à aborder, il y a tellement de point de vue… Tout le monde doit faire du chiffre…»
Photo à la Une : (@Maxppp)