Un peu plus de six mois après la Coupe du monde, Gaëtane Thiney a pris la parole ce week-end auprès de l’AFP pour évoquer les dysfonctionnements qui règnent en France dans le développement de la pratique féminine du football.
Joueuse des plus emblématiques de sa discipline, c’est avec une réelle légitimité qu’elle s’exprime avec un objectif clair : « Je ne peux pas léguer à la nouvelle génération un système, une approche, sans dire qu’il faut la moderniser. C’est mon devoir. »
Et plus que le staff actuellement en place, c’est tout un système que cherche à dénoncer et faire évoluer Gaëtane Thiney. Mais alors que semble régner une forme de latence dans le développement de la pratique professionnelle en France depuis plusieurs années, comment en est-on arrivé là, alors que notre pays semblait avoir toutes les clés pour réussir ? Et pire encore, le retard engendré est-il déjà irréversible, quand en parallèle les autres nations européennes n’ont de cesse de se développer ?
Le modèle lyonnais inspire en Europe… mais pas en France
Évidemment que depuis plus d’une décennie la référence en matière de football se trouve en France avec l’Olympique Lyonnais. Le club a permis à la discipline de faire un bond en avant spectaculaire quant à la visibilité, au développement et à l’intérêt porté à la pratique féminine du football. Ces dernières années, le PSG s’est également engouffré dans la brèche mais ne dispose pas encore de l’aura de son pendant lyonnais aux yeux du monde. Et alors que ces deux clubs ont montré la voie pour créer un championnat attractif et faire de la France une grande nation du football, c’est paradoxalement les autres pays européens qui se sont inspirés de cette réussite… et non pas les autres clubs français.
>> À LIRE AUSSI : Un derby parisien symptomatique du manque de moyens mis en place autour du football féminin
C’est ainsi qu’un peu partout en Europe, les championnats sont en train de devenir de plus en plus séduisants, avec plusieurs équipes désormais en mesure de lutter avec l’OL en Ligue des champions. Tout en proposant chaque week-end des rencontres avec de l’enjeu et un niveau de jeu sans précédent.
Wendie Renard avait déjà pointé du doigts le retard pris en France
Et si l’on poursuit sur cette voie, sans aucun changement, comme le déplore Gaëtane Thiney, les conséquences pourraient être sérieuses voire irréversibles. Bien sûr l’OL restera l’un des meilleurs clubs d’Europe grâce aux moyens mis à disposition par Jean-Michel Aulas, mais la France n’attirera plus les grandes joueuses parce que l’enjeu et l’attractivité se trouveront désormais ailleurs.
Et cela, une autre joueuse majeure de l’équipe de France l’avait déploré il y a quelques mois. Dans une interview donnée à Lyon People, Wendie Renard déclarait au sujet de l’avenir du football féminin : « La vérité c’est que je suis presque inquiète. Bien sûr, de nombreux pays se structurent, comme en Italie ou en Angleterre. En France, ça ne bouge que très peu par manque de moyens. »
Et malgré les constats malheureux des joueuses française, qui sont au cœur de ce système, et ont le courage d’en faire part aux médias et au grand public, rien ne semble pourtant évoluer. Comme si ces appels n’étaient pas entendus. Et c’est bien ça qui pose question et pourrait se payer cher dans les prochaines années.
La France, un pays de football ?
Car en plus de tout cela, il est à signaler que la France a également pris du retard ces dernières années du côté des hommes. Et aujourd’hui, la notoriété des clubs masculins en France est très restreinte par rapports aux autres championnats européens. Et si l’on pourrait penser que cela n’aura pas d’incidence sur le développement de la pratique féminine, c’est faux. En effet, les joueuses actuelles ont pour la plupart grandi avec des modèles masculins, évoluant dans les plus grands clubs européens. Et il y a fort à parier que lorsque les sections féminines de ces mêmes clubs auront achevé leur développement, ce sera naturellement vers ces clubs que se tourneront les joueuses. Réalisant par la même occasion leur rêve de jouer sous des couleurs qui les ont fait rêver enfants lorsqu’elles en regardaient les sections masculines briller aux yeux du monde. Cela s’est encore vérifié début février lorsque Keira Walsh a prolongé son contrat avec Manchester City. Elle déclarait à cette occasion : « C’est fantastique ! J’ai prolongé avec le club que je supporte depuis l’enfance. »
Dorénavant, la FFF ne pourra donc plus seulement compter sur l’OL pour faire de la France une nation visible aux yeux du monde. Pour cela, il va falloir que son équipe nationale s’impose enfin dans un tournoi majeur. Et cela ne se fera pas sans des changements déterminants qui devront sans doute être opérés dès la formation des jeunes filles. Pourquoi pas comme aux États-Unis, où depuis les années 70, un amendement oblige les établissements scolaires et universitaires à soutenir à la même hauteur les sections sportives masculines et féminines, inculquant par la même occasion la culture de la gagne dès le plus jeune âge ?
Car, comme le dit si bien Gaëtane Thiney : « Former des joueuses, c’est une bonne chose. Former des futures championnes du monde, c’est peut-être différent. »
Photo à la Une : (@DR)
2 commentaires
Pingback: Frédérique Jossinet : « La D1 Arkema est le championnat le plus attractif en Europe » – Le Sport au Féminin
Pingback: D1 Akerma : La nouveauté qui va permettre au football féminin français de s’affirmer encore un peu plus - Le Sport au Féminin