Lola Sorin représente l’avenir français de la planche à voile. Comme ses concurrentes plus expérimentées, elle a à cœur de marquer de sa propre empreinte l’histoire de son sport. A 18 ans, elle est déjà championne du monde jeune en 2020 et médaillée de bronze des championnats d’Europe. La Pornichétine s’est confiée pour Le Sport au Féminin à propos de son projet en WindFoil, discipline olympique à Paris 2024.
Comment es-tu venue vers la voile ?
J’ai commencé la planche à voile à 11 ans dans un club de plage à côté de chez moi, à Pornichet. Comme on habitait à côté de la mer c’était à essayer. Au début je n’aimais pas du tout ça. J’ai essayé une semaine et j’avais le mal de mer, j’ai vomi. Mon papa faisait de la planche avant, il était très content que j’essaie, alors j’ai quand même fait l’effort de repartir pour une deuxième semaine. Les conditions étaient bien plus calmes donc j’ai vraiment apprécié et ça m’a encouragé à continuer.
As-tu une attache particulière avec l’inscription FR31 marquée sur ta voile ?
Quand on arrive à la fin de la manche, les jurys notent les numéro de voile. C’est une sorte de repères. C’est nous qui choisissons les numéros qu’on veut parmi ceux qui sont dispos. Mon numéro favori depuis petite c’est le treize, c’est mon porte bonheur, mais il n’était pas disponible, donc j’ai pris le 31 parce que ça fait 13 à l’envers. On nous attribue un numéro lorsqu’on commence le haut niveau, au début j’avais FRA1312. Il était très long donc j’ai voulu changer et quand j’ai eu l’occasion, il y a 4 ans j’en ai choisi un autre.
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Parle nous de ton objectif d’intégrer le groupe France.
Il y a deux groupes France, je fais partie de l’équipe des -23 ans depuis l’année dernière. Avant, j’étais en -19 ans. Mon objectif de cette année est précis. Je veux entrer en équipe de France sénior car il y a plus d’aides et plus de matériel à disposition. Il y a une véritable marche entre l’EDF jeune et sénior, pour l’atteindre il faut faire un top 6 ou 8 mondial.
Pourquoi t’es-tu tournée vers le Windfoil alors que tu pratiquais le RS X ?
La RS X c’est l’ancien support olympique. Elle se pratique avec une planche archimédienne, c’est-à-dire que la planche est collée à l’eau tandis qu’avec le Foil on peut décoller. On a notre ensemble de Foil, qu’on appelle notre « avion ». Il se nomme ainsi parce que dès qu’on atteint une certaine vitesse il s’élève au-dessus de l’eau. Je suis passée sur Foil car pour les Jeux de Paris 2024, l’IU Foil est le nouveau support olympique. Je m’y suis mise dès que je suis rentrée au pôle espoir de La Baule. L’annonce a été faite en 2019, dès lors je me suis entrainée sur cette discipline-ci. A la fin du confinement je me suis focalisée sur ça pour la saison à venir.
En Italie, en mai dernier, tu finis 1ère -21 ans et 4ème en séniors, qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?
Cela m’a rassurée sur mon objectif d’aller chercher une bonne perf aux Mondiaux. Je suis une personne qui doute beaucoup de moi en compétition, donc ça m’a bien boostée ! Je ne me dis jamais que ça va être facile, je travaille tous les jours pour m’améliorer. Désormais, une fois que je suis sur ma planche et que je lance mon chrono pour le départ des manches, je suis dans ma bulle et il n’y a plus que la compétition qui compte, je ne pense plus au manque de confiance en moi. Le dernier jour de nos compétitions, il y a les finales avec les 12 premières et tous les compteurs sont remis à zéro, c’est comme ci il n’y avait pas eu de résultats les jours précédents. A la fois, on peut tout gagner comme tout perdre, c’est ce qui fait que le niveau de stress est très élevé.
Tu es membre du « Groupe cible Paris 2024 » qu’est-ce que cela t’apporte ?
C’est un peu similaire à l’Equipe de France jeune, l’année dernière il n’y avait pas d’équipe de France jeune c’était seulement le groupe cible. Ce sont les sportifs qui visent Paris 2024. Actuellement on est trois jeunes et trois qui sont plus vieilles. Nous ne connaissons pas encore les modalités de sélections pour Paris 2024. Ça sera la meilleure française qui sera qualifiée, soit sur une seule compétition ou bien la fédération regardera l’ensemble des compétitions effectuées sur l’année 2023. Ça va sûrement dépendre de l’écart entre les concurrentes.
Tu suis un Bachelor en mangement du sport à côté de ta carrière sportive, comment t’organises-tu ?
Je viens de valider ma première année. J’ai un emploi du temps aménagé, j’ai cours deux jours par semaine et le reste du temps je peux naviguer. J’arrive à maintenir un bon niveau à l’école mais la planche passe avant tout. Je sais que je suis jeune et si j’ai une carte à jouer c’est maintenant, je dois foncer et me focaliser sur mon objectif. L’année prochaine je vais aller au pôle France à Brest. J’étais déjà prise l’année dernière, mais je continuais à m’entraîner à la Baule, avec le pôle espoirs. L’année prochaine je vais vraiment étudier sur place au pôle, j’aurai un appart et des cours à côté.
Tu es encore jeune, comment tu vis ce décalage avec ceux de ton âge qui ne pratiquent pas le haut niveau ?
J’ai gardé un entourage d’amis qui sont assez éloignés du sport de haut niveau et ça me fait du bien. J’ai besoin de me déconnecter du monde du sport, parfois, c’est vraiment important. Mais je m’entends super bien avec ceux qui font de la planche mais j’ai besoin d’avoir les deux. Parfois, on me propose des sorties et c’est toujours frustrant parce que c’est à cause de la fatigue, mais je garde des objectifs en tête. J’ai déjà beaucoup de chance mais j’ai travaillé pour. J’ai 18 ans j’ai visité de nombreux pays et peu de personnes de mon âge ont cette opportunité.
Es-tu entourée de quelqu’un de connaisseur pour gérer les sollicitations médias et partenaires ?
Ma maman aime bien tout ça, elle a fait mon site. Pour l’instant mes parents payent en grande partie mes déplacements et les frais qu’ils engendrent. Mais ça va aller dans le bon sens, c’est-à-dire que depuis cette année je suis plus remarquée par les médias mais aussi par la ville. On ne se rend pas compte comme ça mais pour être performant toute l’année il faut à peu près 25 000 euros de matériel. On ne le voit pas forcément à l’œil nous mais si on se penche sur la fabrication on voit que ça peut faire la différence. En fonction de chacun, cela influe sur la performance. Il nous faut au moins 5 voiles à 1000 euros dans l’année, et 2 planches, une de compétition et une d’entrainement. Le prix est autour de 3000 euros pour un exemplaire. C’est un sacré budget, parce que c’est fait en carbone. A la base on m’avait vendu que le Foil serait moins cher que la RS X, qui est tout de même autour des 6000 euros mais finalement ça coute au moins aussi cher.
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As-tu des aides de la ville de Pornichet ?
J’ai un sérieux atout en ma faveur, j’habite sur une baie, c’est-à-dire qu’il y a le Pouliguen, la Baule et Pornichet. Sans que j’aie à faire de démarches particulière le Pouliguen m’a donné une subvention de 2300euros et donc ça a incité les autres villes à me venir en aide aussi. A la base j’avais déjà eu des rendez-vous avec la mairie de Pornichet mais ils n’avaient pas accepté ma demande. Finalement, quand la Baule et Pornichet on apprit que la troisième ville de la baie avait voulu m’aider, ils se sont décidés. De cette manière, je serai la sportive de la baie, donc toutes les villes seront au même niveau. Pour moi c’est une super opportunité. C’est ma maman qui m’accompagne à chaque fois, on amène un dossier sponsors qu’on présente. Si mon offre est refusée, je ne prends pas ça personnellement, je me dis seulement qu’ils ne sont pas réceptifs au projet. Je me souviens surtout qu’avec mes parents on n’est parti de rien. Pourtant même avec ces bourses, comme celle de la fédération, deux fois 2500 euros, on est toujours hors budget. Plus tard j’espère décrocher des prime en compétition, ça m’aidera vraiment et ça récompensera évidemment mon travail.
Si tu devais garder qu’un seul souvenir toute compétition confondue, quel serait-il ?
Je pense directement aux championnats de France jeune en 2019 à Brest. On avait eu un championnat du monde RS X en Russie, la semaine d’avant. J’ai fait une très mauvaise performance, je l’ai très mal vécu. J’ai terminé 19ème il me semble alors que je visais au moins un top 10. Donc je suis arrivée aux Frances avec une revanche a prendre pour montrer aux concurrentes françaises que ce qui s’était passé ce n’était qu’une erreur et non un manque de niveau. A force d’abnégation, j’ai gagné le championnat de France.
Photo à la Une : (@FFVoile)