Après une ascension fulgurante jusqu’en Division 1, l’entraîneur de Bourg-de-Péage Drôme Handball, Camille Comte, est revenu sur son parcours et sur l’adaptation de son équipe au plus au haut niveau.
Camille, pouvez-vous nous rappeler en quelques mots votre parcours ?
J’aime bien dire que je viens du handball d’en bas. C’est un prof de collège qui m’a amené à faire du hand. Mon parcours, c’est d’abord l’UNSS, puis un club qui ne jouait pas à haut niveau dans lequel je me suis investi comme jeune arbitre, jeune dirigeant et évidemment joueur, puis entraîneur. À animer quinze séances par semaines, dont une grande partie dans les écoles. J’ai commencé comme ça et je ne l’oublie pas, mon attachement associatif et à son côté humain viens de là. Le reste n’en est que la continuité, ponctuée de rencontres dans diverses régions de France et d’opportunité. Mais toujours dans le hand féminin. Que je préfère au hand masculin.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le projet de Bourg-de-Péage ?
J’ai senti un terrain fertile. J’avais vécu quatre années épanouissantes à Besançon, un club historique du handball féminin français. J’avais besoin d’un endroit où je pouvais semer des graines, où mes convictions d’entraîneur pouvaient trouver un « écho » dans leur globalité. Créer une cohérence, prendre le temps de construire. Lorsque j’ai signé à Bourg-de-Péage, l’équipe n’était pas loin de descendre en Nationale 1. Mais je pensais déjà au long terme. Le club avait l’ambition d’arriver jusqu’à la LFH et j’ai signé pour l’amener là-haut. Peu importe le point de départ.
Après avoir obtenu le titre en D2F, vous jouez désormais le maintien en LFH. Qu’est-ce qui a changé ?
Entre la D2 et la LFH, il y a un gouffre ! J’avais connu les deux divisions à Besançon et je mesurais cette différence. Jouer au plus haut niveau, c’est jouer face aux meilleures joueuses de la planète. Le championnat français est très bon. À la différence de la D2, toutes les structures sont professionnelles. Tout le monde bosse beaucoup sur les terrains comme dans les bureaux. Les jeux sont bien plus affinés, les événements plus grands et spectaculaires. Tout monte d’un cran.
L’effectif à très peu changé entre cette saison et la dernière. Cela vous apporte une certaine stabilité. Avez-vous pensé à recruter une ou deux joueuses confirmées ?
Le projet de départ était de recruter des joueuses qui n’avaient pas eu leur chance dans des clubs de LFH en leur disant, on va progresser ensemble, on va aller en LFH ensemble et on va s’y maintenir. L’aventure est sans pareille. Si vous regardez les photos d’équipe, j’en ai la moitié qui était déjà là avant que j’arrive, avec l’équipe qui s’est tout juste maintenue en D2, et l’autre moitié qui sont arrivées en même temps que moi, à une ou deux exceptions près. Ce que l’on a fait est hors du commun. Ce groupe-là, on l’a fait prolonger de deux ans quand on est monté en LFH pour stabiliser une transition. C’est plus qu’une équipe. Par exemple, quand on fait de la vidéo la veille d’un match, on met deux tables avec des écrans, deux groupes, et les joueuses construisent d’elles-mêmes le plan du lendemain par interaction. On est au-dessus de la normale d’une équipe sur le plan relationnel, donc en termes de cohésion aussi. Il faut comprendre que ces quatre années ont été accomplies dans un schéma atypique. Nous avons réalisé un cycle avec un cercle qui a grandi de lui-même.
Le budget du club a quadruplé sur les quatre dernières saisons. Qu’est-ce que cela a changé ?
Notre émergence a démarré en même temps que la chute de plusieurs clubs. L’important était de trouver notre voie pour nous faire notre place en LFH, sans mettre en péril le club. Une ambition raisonnée. Quand je suis arrivé, on était deux salariés et sept joueuses professionnelles. Aujourd’hui, au total, on est une bonne vingtaine. On est devenu professionnel. La progression des joueuses a fait augmenter notre masse salariale joueuse. Mais c’est tout à fait normal puisqu’elles n’ont pas le même niveau qu’il y a quatre ans. On a développé des projets sportifs au travers du centre de formation, un événementiel parmi les meilleurs de la LFH. Tout a pris de l’ampleur et de la qualité. Et maintenant, on est tourné vers des projets très innovants, qu’aucun club de handball, même masculin, n’a mis en place. On s’est construit selon notre territoire et avec un côté créatif qui nous caractérise. À la fois bien implanté dans le local et assez novateur. On est en train de créer un modèle à part, le nôtre, celui qui nous correspond.
Quelles sont selon vous les qualités et faiblesses de votre l’effectif ?
C’est difficile à dire. Je pourrais parler des heures de cette équipe, je la connais par cœur. L’autre jour, je calculais que l’on était à notre cent-cinquantième séance vidéo collective, plus de cinq cents entretiens individuels réalisés par le staff, près de mille cinq cents séances d’entraînement collective. Ce groupe a dépassé ses limites. Il est rempli de qualités. Pour les faiblesses, j’ai assez d’adversaires qui nous analysent pour les trouver, ce n’est pas à moi de les dévoiler !
Quelles sont les différences entre votre club, qui découvre le haut niveau et les grosses équipes, comme Metz, encore invaincu dans ce championnat ?
Chacun a son modèle. Tous les clubs sont différents. On doit avoir dix fois plus de licenciées féminines que Nice. Et pareil pour les bénévoles. Nice s’est construit autour d’une équipe première qui a gravi rapidement les échelons. Maintenant, ils tentent de créer un esprit club. Nous, c’est l’inverse. Il n’y a pas de vérité, chacun a son projet. Pour la comparaison avec Metz, c’est encore différent. Sur les trente dernières années, Metz a gagné trente-huit titres. C’est l’une des toutes meilleures équipes en Europe, le fer de lance des clubs français. Tout est dit.
Quels moyens le club met à votre disposition pour lutter contre ses grosses structures ?
On ne peut pas lutter contre les grosses structures. Je ne suis pas un vendeur de rêve. L’honnêteté et l’humilité apportent plus que l’orgueil et l’illusion. Metz à trois fois notre budget et Brest presque cinq fois. La lecture de l’affrontement dans le sport collectif est biaisée par le football. Ce n’est pas le même sport. Sans même parler du PSG, prenons l’exemple de Reims ou Montpellier qui ont le quart du budget de l’OM. Ils peuvent gagner deux fois contre les marseillais en championnat, voir même les talonner au classement. Chez nous ça n’arrive pas. Le handball est un sport logique. Le football, un sport plus aléatoire, qui fausse la représentation sportive car il est trop mis en avant.
Propos recueillis par Aris Djennadi
Photo à la Une : (LFH)