Vice-championne olympique en 2004, l’ancienne judoka est depuis 2014 en charge du football féminin et de la féminisation au sein de la Fédération Française de Football. Rencontrée à l’occasion des Sportel Awards à Monaco, Frédérique Jossinet s’est confiée pour Le Sport au Féminin sur l’évolution récente du football féminin français et sur l’essor de la D1 Arkema. Entretien.
Frédérique, l’évolution croissante du football féminin depuis plusieurs années, c’est quelque chose qui vous rend fière aujourd’hui ?
Complément. D’une part parce que c’est mon métier. Mais surtout parce que c’est une cause que je défends. Je pars du principe que le football a une aura extraordinaire et que les joueuses de football sont des modèles à suivre. L’aura médiatique autour du football est fabuleuse. Le nombre de licenciées ne fait qu’augmenter. Et nous ne sommes qu’à la moitié du chemin. Le football féminin a encore beaucoup de potentiel. On l’a vu lors de la dernière Coupe du monde avec des stades quasiment tous pleins et à guichets fermés lors des matchs de l’équipe de France.
Mais la Coupe du monde en France n’a pas vraiment eu l’effet attendu sur le championnat…
Je suis d’accord, mais regardez la Ligue 1. Proportionnellement, le problème est le même. Les matchs de l’équipe de France masculine sont pleins, alors qu’en championnat, les stades sont à moitiés vides. On a pu le constater après l’Euro 2016 en France. Quand on compare les masculins et les féminines, c’est souvent à tort et pas à raison. Prenons l’exemple de la domination de l’Olympique Lyonnais et du Paris Saint-Germain en D1 Arkema. On entend souvent qu’il n’y a que deux clubs, que l’on sait déjà qui va gagner en fin de saison. Mais en Ligue 1, encore une fois, c’est la même chose ! Quand un club investit beaucoup d’argent, c’est normal qu’il soit devant.
Quelle est la solution pour remplir ces stades ?
Les clubs continuent de se structurer, ils font régulièrement appel à la Fédération pour les aider à remplir leur stade. Le problème, c’est que les infrastructures ne sont pas adaptées. Il faut se tourner vers les collectivités pour avoir plus de stades, mais surtout des petites enceintes, plus compactes et adaptées à l’affluence.
Économiquement, la Coupe du monde a-t-elle été salvatrice ?
Nous avons désormais un naming pour la D1. Ce n’est pas rien qu’une entreprise prenne la décision d’associer son nom et son image à notre championnat. Nous avons un contrat avec Canal +, un diffuseur historique, qui diffuse tous les matchs du championnat en intégralité. Il y a un vrai cercle vertueux autour de la D1 Arkema.
« Voir des petits garçons avec le maillot d’Eugénie Le Sommer »
De quoi faire face à la concurrence et l’essor des championnats étrangers qui ne cessent de grandir ?
Je peux vous garantir que le championnat le plus attractif en terme de ressources économiques et d’audiences reste la D1 Arkema. Certains modèles sont différents. Le championnat anglais est plutôt calqué sur le championnat américain, avec une ligue fermée avec un statut professionnel, avec l’obligation d’avoir une section féminine pour tous les clubs pros masculins. Ce n’est pas notre modèle. De notre côté, les clubs viennent d’eux-mêmes à l’image du Havre, qui vient de monter en D1. Sur douze clubs de D1, neuf ont une section masculine professionnelle. En D2, quatorze sur vingt-cinq sont dans ce cas également. Et ce qui fait la force de notre football féminin aujourd’hui, c’est aussi de conserver ces bastions féminins comme Soyaux, Fleury et Issy, qui sont des clubs essentiels dans la formation de nos jeunes joueuses qui ne peuvent pas tout de suite évoluer à l’OL ou au PSG.
Quel regard portez-vous sur les départs de plus en plus nombreux de joueuses françaises vers l’étranger ?
Selon moi, c’est une très bonne chose. Cela permet de découvrir une autre culture. Personnellement, c’est très enrichissant pour elles. Cela apporte un regard nouveau, notamment en équipe de France. C’est aussi de la promotion pour notre formation. Une joueuse française qui va jouer au Barça et qui représente la France au sein de ce club, c’est extraordinaire. Nous avons une formation reconnue dans le monde entier. Et puis des joueuses viennent à l’inverse de l’étranger dans notre championnat. C’est ce qui se passe aussi chez les garçons.
Peut-être un peu trop quand on regarde le nombre d’internationaux français qui n’évoluent pas en Ligue 1…
Et en même temps nous sommes champion du monde. La plupart on fait toute leur formation en France. C’est très bien. L’essentiel est là. Tout est une question d’équilibre. Nous devons continuer à faire briller nos joueuses dans un beau championnat médiatiquement fort.
« Peut-être qu’il y aura bientôt une Europa League féminine »
Pour attirer des licenciées, le championnat a besoin de têtes d’affiche. On constate que de plus en plus de joueuses de notre championnat sont mises en avant. Qu’est ce que cela vous inspire ?
C’est très important, ce sont des rôles modèles. On voit que les petites connaissent Eugénie Le Sommer, Amandine Henry, Wendie Renard, Marie-Antoinette Katoto, Delphine Cascarino, etc. Ce qui serait top dans les années à venir, ça serait de voir des petits garçons avec le maillot d’Eugénie Le Sommer. Ca serait le summum.
Pour revenir à la D1 Arkema, quand un championnat grandit, le nombre d’équipes grandit aussi. Un passage à quatorze clubs à court terme, c’est possible ?
Nous sommes très honnêtement en pleine réflexion. C’est une vision plus globale. Le championnat est un levier. Est-ce qu’il doit être à quatorze, peut-être même seize, rester à douze, ce sont des questions qui vont arriver rapidement. Nous n’avons pas encore la réponse. Nous réfléchissons aussi à des championnats U23, U21, U17. C’est l’ensemble de la pyramide des championnats que nous devons revoir.
La Ligue des champions, elle, s’est restructurée sur le modèle masculin.
La France a poussé en premier depuis de nombreuses années pour que cette réforme aboutisse et que nous ayons un troisième club en Ligue des champions. Et peut-être que demain, en plus des trois places, il y aura une Europa League avec deux places. C’est un peu trop tôt, mais ça serait dans la logique des choses. À nous de prendre les bonnes directions.
Photo à la Une : (@DR)
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