La championne du monde IBF des super-plumes s’est confiée en exclusivité pour Le Sport au Féminin, à quelques mois de relever l’un des plus gros défi de sa carrière : remporter une médaille d’or lors des Jeux Olympiques de Tokyo 2020. À trente ans, la native d’Albi sait au combien la tâche s’annonce compliquée. Mais Maïva Hamadouche est une boxeuse à part, qui ne lâche jamais rien. Jusqu’à décrocher l’or au Japon ?
Elle en rêve. « La nuit, j’y pense. » Quand elle n’est en intervention, la policière, surnommée El Veneno (le poison), s’entraîne, éperdument, en silence, avec toujours cet objectif dans un coin de la tête : se parer d’or lors des prochains Jeux Olympiques de Tokyo. Malgré les nombreuses différences, surtout technique, entre les combats professionnels et amateurs, Maïva Hamadouche (22 combats chez les pros, 21 victoires, 17 par KO) s’est lancée ce pari fou, avec l’ambition d’y arriver, coûte que coûte. En mars prochain (du 13 au 23, à Londres), l’Albigeoise participera au tournoi de qualification olympique. Le début d’un long périple qui la conduira sur la route de Tokyo, et peut-être encore plus haut, dans quelques mois.
Maïva, pourquoi ce choix de disputer les Jeux Olympiques ?
À Londres, en 2012, les Jeux Olympiques se sont ouverts aux professionnels chez les hommes. On s’attendait donc à la même chose du côté des femmes. Quand l’annonce a été rendue officielle, j’ai pris contact avec la Fédération française de boxe et le sujet est venu sur la table. On s’est dit « pourquoi pas essayer les qualifications pour les JO. » En tant que championne du monde chez les professionnelles, j’ai toutes mes chances, même si la boxe est complètement différente chez les amateurs.
L’objectif, à Tokyo, c’est l’or olympique ?
(Sans réfléchir) Oui ! C’est l’ambition, bien sûr. Je n’envisage pas une seule seconde autre chose que la médaille d’or. Cette médaille d’argent lors des Championnats d’Europe me laisse déjà un goût amer. Alors imaginez aux Jeux Olympiques…
Vous semblez dans la forme de votre vie…
(Sourire) Ça se passe plutôt bien, c’est vrai. Je n’ai pas de blessure. Je me sens bien. On peut même dire que je pète la forme ! (Rires). Le secret, ce sont mes dernières années d’entraînement, passées dans l’ombre, qui portent leurs fruits aujourd’hui. Mais le plus important est de ne pas se rater le jour J. C’est ça qui fait la différence entre une sportive et une championne. La championne ne passe jamais à côté. Les trois prochains mois vont être cruciaux. Entre la fin de mon adaptation à la boxe amateur, les Mondiaux et les qualifications pour les JO, il va falloir rester dans le bon rythme pour tout négocier de la meilleure des façons.
À trente ans, vous vous apprêtez à disputer vos premiers Jeux Olympiques, alors que vous êtes championne du monde chez les professionnelles. N’avez-vous pas l’impression de faire le chemin inverse ?
C’est vrai. D’habitude, c’est plutôt l’inverse. On peut même dire que c’est du jamais vu (rires). Généralement, on devient champion olympique, puis champion du monde chez les professionnels. Mais je ne pouvais pas passer à côté de cette occasion unique. Je suis championne du monde, mais je veux quand même me lancer dans la boxe olympique. Faire les deux en parallèle, au plus haut niveau, c’est mon plus gros défi.
Ressentez-vous une certaine forme d’appréhension ?
Je vais être attendu, c’est sûr. Lors des Championnats d’Europe, j’avais peur de l’échec, j’avais beaucoup de pression sur mes épaules. Je me suis dit, « si tu te rates, c’est terminé. » Je ne voulais pas rester sur un échec. Mais avec cette médaille d’argent, j’ai prouvé que j’avais ma place chez les amateurs.
Et Paris 2024, vous y pensez ?
J’y pense, oui. J’ai trente ans. J’en aurai trente-quatre. Je me dis que ça peut le faire. Finir sur les Jeux Olympiques 2024, à Paris, en France… Ça peut vraiment le faire ! On verra en fonction de mes combats et des blessures. Mais pourquoi pas.
Avez-vous un aménagement dans votre emploi du temps pour mener à bien vos objectifs ?
Je suis en tiers-temps. Je remercie d’ailleurs la police nationale de me permettre d’avoir un emploi du temps aménagé. C’est une chance. Ce n’est pas toujours évident pour une sportive de haut niveau. Je suis dans les meilleures conditions pour performer.
Ce métier, comme la boxe, est une passion viscérale chez vous ?
Depuis toujours ! J’ai toujours rêvé d’être policière. J’ai passé le concours d’entrée à dix-huit ans. Depuis mes dix-neuf ans, je suis fonctionnaire de police. C’est une passion, une vie à cent à l’heure. Plus tard, après ma carrière de sportive, j’aimerais me mesurer à de nouveaux challenges dans la police. C’est un beau métier, même si ce n’est pas toujours facile. Dans l’ensemble, je suis plutôt épargnée, mais j’ai dû me rendre en renfort sur les Champs-Élysées lors des manifestations des gilets jaunes.
Expliquez-nous ce qui change concrètement entre la boxe amateur et la boxe professionnelle ?
Le format, déjà. Trois rounds de trois minutes en amateur, contre dix rounds de deux minutes chez les pros. La construction des combats est complètement différente. En amateur, on ne construit rien. On remise, on esquive, on essaye de toucher. Il faut débiter au maximum. Il y’a aussi le casque, les gants, qui sont différents. En amateur, on est plus généreux dans les coups. On peut moins poser. Mon ADN, à moi, c’est plutôt la boxe pro. C’est celle que j’affectionne le plus. Celle qui me laisse le temps de réfléchir, de préparer tactiquement mon combat. Mentalement, la boxe amateur m’oblige à sortir de mon confort.
Depuis qu’Estelle Mossely est passée pro, une place de leader est à prendre. Cette place vous semble promise...
C’est vrai qu’il y a une place à prendre. Elle est là. Et j’ai les épaules pour assumer ce rôle. Je n’aime pas m’avancer trop à l’avance, je ne suis pas là pour me comparer à Estelle, mais je vais tout faire pour prendre cette place vacante. À Rio, les résultats de nos boxeurs ont relancé la discipline en France. Estelle et les autres ont permis de remettre la boxe sur le devant de la scène. C’est un souvenir inoubliable. J’espère que l’on pourra continuer dans cette direction.
D’où vient ce surnom, El Veneno ?
(Elle sourit) Avant de passer pro, j’avais une image qui me suivait. La réputation d’une boxeuse dure, qui ne lâche rien sur le ring. Au point que certaines boxeuses ne voulaient pas se confronter à moi. J’ai toujours été admiratrice des combattants mexicains. Ils boxent avec le coeur, vivent le combat à fond.
Vous dites que la boxe a changé votre vie. Pourquoi ?
La boxe a toujours été un pilier dans ma vie. Elle m’a toujours accompagné. À l’école, je ne pensais qu’à elle. C’est un peu mon compagnon de vie. Cela fait quinze ans que je boxe. Ma vie a toujours tourné autour. Dans les moments difficiles, la boxe m’a sauvé. J’ai un amour fou pour ce sport. Dans ma vie j’ai besoin de cet équilibre. J’ai tellement donné à ce sport. Et la boxe me l’a tellement rendue.
Jusqu’aux Jeux Olympiques, retrouvez chaque semaine l’interview exclusive d’une sportive française en route pour Tokyo.
Photo à la Une : (@DR)
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