Plus qu’une autobiographie classique, Tu marches, il marche, vous marchez… moi je cours de Marie Dorin est un ouvrage de nature writing, comme on trouve assez peu chez les sportifs de haut niveau. À travers cet ouvrage qui retrace ses années de biathlon, elle emmène le lecteur en promenade dans les plus beaux endroits de la planète, avec une façon toute particulière de décrire passionnément les forêts, les oiseaux, les arbres…
Après notre lecture, Marie Dorin a accepté de revenir pour nous sur trois sujets clés de son livre.
L’omniprésence de la nature
Depuis son enfance, la nature a toujours joué un rôle déterminant dans la vie de Marie Dorin. Elle l’a d’abord parcourue en marchant, puis en courant et enfin sur des skis. Qu’importe le moyen de s’y mouvoir, Marie a toujours su en saisir les beautés. D’ailleurs, pour elle, impossible de choisir un circuit de biathlon qui aurait été plus éblouissant qu’un autre : « Ils sont tous différents. Et à la fois c’est ça qui est vraiment classe et qui permet de retrouver une dimension nordique dans chaque course, sans se lasser. »
Au fil des pages, le lecteur se passionne des paysages décrits par Marie Dorin qui, un peu à l’image d’un Nicolas Vanier, a l’art de composer des descriptions détaillées qui ont la force de vous transporter au bout du monde en quelques lignes. Ce que l’on retient finalement de cette lecture, c’est que la nature a joué un rôle clé dans la vie de Marie, voire dans sa brillante carrière. Lors de notre entretien, elle ajoute d’ailleurs : « Le sport c’est une très belle porte d’entrée vers la nature. Et la nature c’est un décor dont on se sert pour évoluer et pour performer. »
Devenir mère tout en poursuivant une carrière de haut niveau
Marie Dorin fait partie de ce cercle restreint des sportives qui sont devenues mères pendant leur carrière : « Cette grossesse était une surprise mais c’est la meilleure chose qui me soit arrivée. »
Et pour cause, c’est à son retour sur les pistes que la biathlète a signé ses meilleures saisons en Coupe du monde. Si dans le livre, elle décrit combien devenir mère l’a faite grandir et lui a appris à se centrer sur autre chose que sur son sport, c’est également le fait de mettre son corps au repos pendant près d’un an qui lui a notamment permis de revenir encore plus forte. Elle nous explique à ce sujet : « L’année où j’étais enceinte je me suis beaucoup moins entraînée. En tout cas, avec des charges musculaires moins importantes. Et le fait d’avoir skié pendant seulement deux demi-saisons, tout en ayant eu une saison d’entraînement plus cool, mon corps s’est énormément reposé et a acquis un capital santé. Avant ma grossesse, j’étais un peu sur le fil, je ne progressais plus trop. Et là le fait d’avoir eu une grosse période de repos, sans stress, ça m’a permis de revenir plus forte. Surtout que pendant la maternité on est soumise à un climat hormonal qui est favorable à la reconstruction ».
Pour autant, preuve que le chemin vers l’acceptation de la maternité dans le sport de haut niveau est encore long, Marie Dorin a perdu plusieurs sponsors durant cette période… Cependant, elle n’en garde aucune amertume : « Je revenais de blessure et je décidais de faire un enfant. Je connais bien les règles du sport de haut niveau, j’en étais très consciente. »
L’après-carrière
Retirée du circuit depuis plus d’un an, Marie Dorin peut se targuer d’avoir eu une des plus belles carrières du biathlon français. Médaillée olympique à quatre reprises, elle a été l’un des moteurs de l’équipe de France, à laquelle elle a apporté sa spontanéité et sa bonne humeur au fil des années.
Alors est-ce difficile d’arrêter quand on a connu les sommets de sa discipline ? « Non, parce que j’ai eu la chance d’arrêter quand j’étais plutôt dans la descente. Je n’étais plus à mon meilleur niveau. Et malgré tout, je suis sortie par la grande porte grâce à l’équipe aux Jeux Olympique de 2018 (NDLR : deux médailles remportées lors des relais). »
Finalement, s’il ne devait y avoir qu’un manque, c’est celui de la mise en danger avant chaque course. Dans son livre, c’est d’ailleurs sur les avant-courses qu’elle s’attarde le plus, livrant plusieurs anecdotes sur les heures précédant des courses majeures. De l’art d’échapper à la crainte de voir un ours la suivre jusqu’aux minutes de méditation instaurées par Martin Fourcade à Pyeongchang, le lecteur découvre les dessous du quotidien d’un sportif de haut niveau.
Et c’est finalement peut-être cela qui manque le plus à Marie aujourd’hui : « Le ski et la compétition ne me manquent pas. Parfois, quand je commente le biathlon à la télé, je ressens juste un peu le manque de l’état de fébrilité dans lequel on se trouve avant une course. Aujourd’hui, j’ai encore en souvenir la sensation de ‘mise en danger sécurisée’ quand on met un dossard. Quand on commence une course, on s’expose au fait d’être nulle, on s’expose à l’échec. Et ça, ça n’existe pas dans la vie, pas de manière si intense en tout cas. »
Marie Dorin signe donc avec ce livre un très beau témoignage de ce qu’a été sa riche carrière. Dans le futur, si elle ne sera bien sûr jamais bien loin des pistes de biathlon, son souhait serait d’écrire à nouveau, mais cette fois-ci un roman. En attendant, nous ne pouvons que vous conseiller de courir en librairie vous procurer son premier récit. D’autant qu’en cette période de fêtes, il vous déculpabilisera même de manger du chocolat… !
Photo à la Une : (@DR)