Le 9 mars dernier, l’équipe de France de sabre dames décrochait son ticket pour les Jeux Olympiques. Une grande satisfaction pour Manon Brunet, Charlotte Lembach, Sara Balzer et Cécilia Berder, qui peuvent désormais se tourner vers leur objectif principal : une médaille à Tokyo. Charlotte Lembach, l’une des escrimeuses les plus expérimentées du clan tricolore, s’est longuement confiée pour Le Sport au Féminin. Extraits.
Le 9 mars dernier à Athènes, lieu des premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne, l’équipe de France de sabre dames décrochait son ticket pour les JO 2020. Une grande satisfaction mais pas une fin en soi pour les sabreuses tricolores (Manon Brunet, Charlotte Lembach, Cecilia Berder et Sara Balzer), qui nourrissent de grandes ambitions à Tokyo en juillet prochain. Quatre sabreuses seront du voyage en Asie cet été. « L’équipe est qualifiée mais on ne sait pas encore qui fera partie du voyage à Tokyo, même si on a quand même une petite idée. »
A 30 ans, Charlotte Lembach fait partie des escrimeuses les plus expérimentées côté tricolore. Après avoir été cantonnée à un rôle de « spectatrice » aux JO de Rio en 2016, la Strasbourgeoise veut briller en tant « qu’actrice » à Tokyo. Pour Le Sport au Féminin, elle s’est longuement confiée. Ses ambitions, sa forme actuelle, son parcours, les forces de l’équipe de France et son regard sur l’évolution du sport féminin, celle qui est tombée dans l’escrime par pur hasard nous dit tout.
La qualification de l’équipe de France de sabres pour les Jeux Olympiques, une grande satisfaction ?
Oui c’est une grande satisfaction pour toute l’équipe. C’était le premier objectif que l’on s’était fixé, c’est désormais chose faite avant même la fin des étapes qualificatives. On peut désormais se concentrer sur les Jeux Olympiques. C’était un week-end assez bizarre en terme d’émotions (la France a terminé à la septième place ndlr). On n’aime pas perdre mais en même temps on a atteint notre objectif avec la qualification. Les émotions étaient partagées entre la joie d’avoir décroché la qualification pour Tokyo 2020 et un peu de frustration avec le résultat final qui n’a pas été celui que l’on espérait.
Quelles sont les prochaines étapes avant les Jeux Olympiques ?
On vient d’apprendre que toutes les compétitions sont suspendues pendant trente jours en raison de l’épidémie de coronavirus. Il restait encore une épreuve qualificative le week-end dernier, et pour les Françaises il nous restait une épreuve pour se qualifier individuellement. L’équipe est qualifiée mais on ne sait pas encore qui fera partie du voyage à Tokyo, même si on a quand même une petite idée. Rien n’est encore officiel. Il y aura trois sabreuses sélectionnées en individuel et une remplaçante. On devrait connaître la décision finale en mai. Une fois que la sélection sera officielle, les quatre, cinq athlètes sélectionnées pourront se concentrer pleinement dans la préparation pour les JO.
Comment gérez-vous la concurrence avec vos compatriotes ?
C’est particulier car on s’entraîne dans un même but tout en étant en concurrence. Après, cela fait des années que l’on connaît cela étant donné que les sélections se déroulent de la même manière pour les championnats d’Europe et du Monde. On est douze à l’INSEP et on est chaque année en concurrence. C’est assez intéressant, un jour chacun doit se battre pour soi, le lendemain on doit se serrer les coudes et se soutenir.
Vous avez déjà participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016. Que représentent les JO pour une sportive ?
Cela représente le graal pour toutes les sportives, surtout pour un sport «amateur» comme le notre. C’est le moment parfait pour avoir de la visibilité, être mis en avant, faire découvrir notre sport au monde entier. C’est l’aboutissement de toutes les années de travail au cours de notre carrière. Les championnats d’Europe ou du Monde ont lieu tous les ans. Les JO ont lieu tous les quatre ans, il faut répondre présent le jour J. C’est l’objectif ultime pour moi.
Si vous êtes de l’aventure aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, quelles seront vos ambitions ?
L’objectif sera bien sûr de décrocher une médaille. Pour avoir vécu les Jeux Olympiques de Rio en tant que «spectatrice», j’aurai à coeur de briller en tant qu’actrice à Tokyo. Je veux décrocher des médailles d’or en individuel ou en équipe. Les derniers JO n’ont pas été très florissants en terme de médailles décrochés sur l’escrime, même si on avait réussi à bien rebondir après l’échec des JO de Londres (0 médaille ndlr). L’escrime est un des plus gros pourvoyeurs de médailles dans le sport français et on compte perpétuer cette tradition. On a vraiment un groupe de grande qualité ces dernières années à l’image de nos performances sur les derniers championnats du Monde et d’Europe. On peut espérer décrocher des médailles et des titres à Tokyo.
Vous avez décroché une médaille en janvier à Montreal. Dans quel forme êtes-vous à l’heure actuelle ?
Suite à ce week-end en dents de scie il y a encore du travail à faire et c’est assez intéressant. Il faut sans cesse se remettre en questions, j’ai toujours envie de progresser, de faire des meilleures performances. Il faut se renouveler, se confronter à l’échec, il y a aussi des jeunes qui poussent derrière et ça rajoute un peu de pression.
Quelles sont les particularités du sabre ?
Il faut être très explosive et être de prendre des décisions très rapidement. Le sabre se joue au temps, contrairement au fleuret et à l’épée. On ne peut pas réfléchir pendants nos touches, il faut être prête très rapidement et avoir une bonne analyse tactique. Il faut également de la malice.
Comment vous-êtes vous retrouvée à faire de l’escrime ?
C’est vraiment un pur hasard. J’accompagnais mon grand-frère qui était inscrit à un stage omnisports. J’étais jeune et je n’avais pas l’âge pour y participer, j’avais déjà un fort caractère et je me suis mise à pleurer (Rires). Le directeur du stage m’a gardé, le dernier jour il y a eu une compétition d’escrime. J’ai battu tous les garçons et le directeur est allé voir ma mère pour lui dire que j’avais peut-être du talent dans ce sport.
Quel a été votre parcours ?
J’ai commencé l’escrime à six ans, cela fait bientôt 26 ans que j’en fais maintenant. J’ai toujours été licenciée au SUC à Strasbourg. J’ai commencé par le fleuret en 1996 car le sabre féminin n’existait pas à l’époque. Le sabre féminin est apparu en 1998 et j’ai tout de suite basculé sur cette arme car cela correspondait beaucoup plus à ma personnalité et à mon caractère. J’ai ensuite décroché mon premier titre de championne de France en benjamine deux trois ans après. J’ai intégré le Pôle France en 2005, a l’époque l’escrime féminine ne donnait pas l’accès à l’INSEP. C’est en 2009 que l’INSEP a regroupé l’escrime masculine et féminine. J’ai décroché ma première médaille internationale aux Championnats d’Europe à Strasbourg en 2014. Depuis ce jour, l’équipe de France décroche des podiums à presque toutes les compétitions internationales. Le point d’orgue a été le titre de championnes du monde en 2018, c’était l’aboutissement de nombreuses années de travail qui est venu bonifié les nombreuses médailles d’argent que l’on avait obtenues auparavant.
Vous avez décroché votre première médaille en individuel aux Championats d’Europe de Montreux en 2015. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était génial car toute ma famille s’était déplacée. C’était un moment assez impressionnant, je me sentais hyper bien et j’étais dans un état d’esprit de guerrière et de combattante. J’ai encore les images de cette dernière touche qui m’était passée sous le nez et qui m’a coûté le titre de championne d’Europe. J’en garde quand même un super souvenir, c’était une belle journée et les émotions étaient décuplées.
Considérez-vous que Manon Brunet est la leader de l’escrime tricolore ?
Je trouve que l’on n’a pas vraiment de «leader» dans notre groupe. On a une très grande force collective, tout le monde communique et il n’y a pas de barrières d’âge, de palmarès etc .. Chacune a son droit de parole, ses forces. Je communique énormément avec tout le monde et j’apprends chaque jour avec des filles qui sont nées en 2000 ! Je suis la plus expérimentée mais j’apprends aux côtés des plus jeunes. Manon est très forte, c’est une grande escrimeuse, mais les autres (Sara Balzer, Cécilia Berder) le sont aussi. C’est intéressant d’avoir des filles qui performent en individuel mais elles sont toutes capables de le faire. Je ne dirais pas qu’il y a une leader dans l’équipe, même si Manon Brunet est numéro trois mondial et que bien évidemment elle a largement sa place.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du sport féminin ?
Je trouve que ça a évolué. Maintenant on va encore des choses qui dérangent dans notre sport. Je pense à l’arbitrage notamment, où les hommes se permettent plus de choses que les femmes. Les femmes sont tout de suite sanctionnées. Il y a beaucoup d’évolution mais il reste encore beaucoup de choses à améliorer. Je pense notamment aux tenues que l’on porte lors des entraînements. Dès qu’on met un short on peut se prendre des réflexions du type «Tu n’as pas trouvé plus court ?». Ce sont des choses qui arrivent malheureusement. Ca ne nous arrête pas, ce n’est pas parce que l’on porte des leggins que l’on veut montrer nos formes. Les pantalons d’escrime collent à la peau c’est tout ! Les mentalités changent et évoluent mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Photo à la Une : (@FFEscrime)
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