A l’issue d’une année 2019 sensationnelle où elle a décroché pas moins de sept podiums, avec en point d’orgue le titre au prestigieux Master de Qingdao (Chine), Fanny Estelle Posvite a désormais les yeux rivés vers les Jeux Olympiques de Tokyo. Pour Le Sport au Féminin, la judokate tricolore s’est confiée sans détour. Extraits.
Un rêve qui pourrait se transformer en réalité. La récompense ultime pour tout sportif de haut niveau. En 2020, Fanny Estelle Posvite espère décrocher pour la première fois de sa carrière son ticket pour les Jeux Olympiques. Un objectif affirmé, mais pas une obsession pour la judokate tricolore. Sa priorité ? Prendre du plaisir sur les tatamis et jouer son judo. « Mon état d’esprit a changé. J’ai moins de pression en compétition et je pense juste à prendre du plaisir (…) Ma pire adversaire, c’est moi-même. »
Cette année plus que jamais, la Française est en bonne posture pour être sélectionnée par la FFJ pour s’envoler vers le Japon et Tokyo, terre du judo. Car en 2019, la judokate française a crevé l’écran, à l’image de ses sept podiums décrochés, avec en point d’orgue le titre au prestigieux Master de Qingdao (Chine), remporté face à sa compatriote Audrey Tcheuméo, en concurrence avec elle pour une place aux JO. Pour Le Sport au Féminin, la native de Limoges s’est longuement confiée. Son année 2019, ses ambitions, son parcours et son regard sur Clarisse Agbegnenou, celle qui « faisait tomber les garçons » plus jeune n’élude aucun sujet. Extraits.
Quelles sont les prochaines étapes pour la qualification aux Jeux Olympiques ?
La prochaine étape est le tournoi de Paris, l’un des plus gros tournois du circuit. C’est une étape très importante sur la route des Jeux Olympiques, si tout se passe bien pour moi ce sera vraiment pas mal. Je combats le 9 février prochain. Ce tournoi n’est pas directement qualificatif pour les JO, on saura en mai qui est sélectionné. Dans ma catégorie des – 78 kg, nous sommes trois judokates à être potentiellement qualifiables pour Tokyo. C’est la Fédération qui prendra la décision. Je suis en concurrence avec Madeleine Malonga, qui vient d’être sacrée championne du monde, et Audrey Tcheuméo qui a déjà été médaillée olympique.
Est-ce particulier d’être en concurrence avec ses compatriotes ?
Oui mais je prends la concurrence avec du recul. Ma pire adversaire, c’est moi-même. Pour moi la concurrence entre Françaises n’existe pas trop. Aux Jeux Olympiques on ne doit battre que des étrangères. J’ai déjà été en concurrence avec des compatriotes dans le passé, notamment avec Gévrise Emane lors de l’Olympiade précédente. Je l’ai battue à chacun de nos combats et je ne suis pourtant pas allée au JO. Je me concentre sur mon parcours, et si un matin on m’annonce que je suis sélectionnée aux JO, je serais très contente.
Que représentent les Jeux Olympiques pour une sportive ?
Aller aux Jeux Olympiques c’est bien, mais si j’y vais, c’est pour gagner. Remporter un titre aux JO serait une consécration. Ce serait la récompense ultime de nombreuses années de sacrifice. Je veux rendre fière ma famille même si je pense qu’elle l’est déjà. Je veux leur donner encore plus de fierté. En étant championne olympique, on entre dans une autre dimension. Si je suis sélectionnée, je ferai tout pour aller décrocher l’or.
Le Japon, terre du judo, une saveur encore plus particulière ?
Oui forcément. Les Japonais vont être survoltés. Ca peut être à double tranchant pour eux. Au judo, le Japon est la nation la plus forte, le fait que les JO se déroulent chez eux pourra soit leur mettre une pression supplémentaire et leur faire perdre leurs moyens, soit leur permettre de se transcender et d’être encore meilleurs qu’à l’accoutumée. Ce sera à nous d’aller les embêter. Le judo est un sport japonais et remporter un titre olympique au pays du judo serait encore plus symbolique.
2019, votre saison la plus aboutie ?
Honnêtement oui. Je n’ai jamais obtenu autant de médailles d’affilées. J’ai perdu au premier tour lors du Grand Chelem au Brésil, pour le reste je n’ai fait que des podiums. J’ai surtout gagné le Master à Qingdao en fin d’année. C’est un peu le même format que pour les Jeux Olympiques, les meilleurs judokates sont qualifiées et ce titre a clôturé l’année 2019 en beauté. La forme de ma vie ? Oui je pense. C’est surtout mon état d’esprit qui a changé.
Qu’est ce qui a changé ?
Je suis beaucoup plus détendue et je me prends moins la tête. Je sais que ça va être compliqué d’aller aux JO et je me concentre sur les étapes les unes après les autres. Je serais forcément ravie d’aller à Tokyo mais je ne veux pas me mettre de pression supplémentaire et me focaliser uniquement là dessus. Je pense que j’ai le bon état d’esprit, j’ai moins de pression en compétition et je pense juste à prendre du plaisir, jouer mon judo et je pense que ça paie.
Un mot sur Clarisse Agbegnenou. Un exemple pour toutes les judokates tricolores ?
Oui. Après «Gnougnou» est aussi mon amie, je la connais depuis très longtemps. Je ne la vois pas uniquement comme une grande championne mais aussi comme une amie. C’est top d’avoir une fille de ce niveau en France car cela montre l’exemple pour les jeunes. Ca montre que dans notre pays on est présent dans cette discipline. A l’internationale les gens savent qu’en France, au judo, on est là !
Pourquoi le judo ?
Mon frère faisait du judo quand j’étais plus jeune. A la base je faisais de la danse et du judo. On m’a ensuite préconisé de faire de la natation car la danse accentuait trop ma cambrure. J’ai du ensuite choisir entre la natation et le judo à haut niveau. Je me suis tournée vers les tatamis.
Racontez-nous votre parcours ?
J’ai commencé dans un tout petit village à Saint-Germain les Belles dans le Limousin. J’ai ensuite changé de club en raison du manque d’adversaire et j’ai rejoint le club de Pierre Buffière. J’ai commencé à m’entraîner au Pole Espoir de Limoges dans la catégorie des minimes pour avoir plus d’adversité, car je faisais tomber les garçons (rires). Par la suite j’ai rejoint l’AJ Limoges qui est le club élite de ma région. C’est une grosse entité qui regroupe tous les petits clubs régionaux. C’est un modèle unique et les meilleurs judokas de la région peuvent avoir un soutien financier plus important. Enfin je suis allée au Pole France à Orléans et j’ai intégré l’INSEP. J’ai aussi eu un DUT GEA et je fais une formation de chargée de gestion des ressources humaines par correspondance. Ce n’est pas facile de gérer les deux surtout ces derniers temps avec les Jeux Olympiques qui approchent.
Photo à la Une : (@Kevin Cao/Le Populaire du Centre)