Pause sportive inédite imposée, c’est l’occasion de faire un zoom rétro sur ces sportives françaises qui ont marqué l’histoire. Ce nouveau volet va glisser en douceur vers les pistes de ski alpin, l’une des disciplines fétiches de nos Bleu(e)s, et se consacrer à la trajectoire de la tricolore la plus médaillée des Jeux d’Hiver. Voici le récit de Marielle Goitschel, rock star avant l’heure.
Remontons les âges, pour nous plonger au cœur des années 60 : ces Sixties remuantes, clés de voûte des Trente Glorieuses, et toutes tournées vers la modernisation et les progrès technologiques. En France, les années de Gaulle amènent les citoyens au summum de la fierté française. Une patrie puissante, indépendante des États-Unis et qui brille dans tous les domaines. Y compris le sport. 1960 marque un tournant. À la suite des Jeux Olympiques d’Été de Rome, qui restent à ce jour, les pires Olympiades jamais réalisées par la délégation française, le Gouvernement confie à Maurice Herzog, célèbre alpiniste, la mission de replacer la France dans le tiercé gagnant des nations sportives.
Obligation de munir les établissements scolaires d’équipements sportifs, création du poste de DTN (directeur technique national), construction de stades et de salles : c’est dans ce contexte précis, véritable tournant dans l’histoire du sport en France, que Marielle Goitschel émerge aux yeux du monde. Un trésor inespéré dans les rangs tricolores, qui ne comptent, hormis les cyclistes Anquetil et Poulidor, pas vraiment de têtes d’affiche, et encore moins du côté des femmes. Avec son franc-parler légendaire, la jeune diva, qui intègre l’équipe de France de ski alpin dès ses 14 ans, va connaître une carrière fabuleuse, aussi brève que remuante.
À la suite des Jeux Olympiques d’Été de Rome, qui restent à ce jour, les pires Olympiades jamais réalisées par la délégation française, le Gouvernement confie à Maurice Herzog, célèbre alpiniste, la mission de replacer la France dans le tiercé gagnant des nations sportives. Obligation de munir les établissements scolaires d’équipements sportifs, création du poste de DTN (directeur technique national), construction de stades et de salles : c’est dans ce contexte précis, véritable tournant dans l’histoire du sport en France, que Marielle Goitschel émerge aux yeux du monde. Un trésor inespéré dans les rangs tricolores, qui ne comptent, hormis les cyclistes Anquetil et Poulidor, pas vraiment de têtes d’affiche, et encore moins du côté des femmes. Avec son franc-parler légendaire, la jeune diva, qui intègre l’équipe de France de ski alpin dès ses 14 ans, va connaître une carrière fabuleuse, aussi brève que remuante.
Des valeurs familiales
Au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale, Marielle Goitschel voit le jour le 28 septembre 1945 dans le Var, à Saint Maxime, dans une famille de cinq enfants. Une famille qui compte déjà un champion. Robert, le père, a joué, dans une Ligue 1 antique, pas encore passée dans le monde professionnel, pour les clubs sudistes de Marseille et Nice. C’est pourtant au contact de sa sœur aînée, Christine, qui a un an de plus, que la benjamine va prendre au goût aux pistes enneigées, lorsque la famille part emménager à Val d’Isère dès 1948. Sans le savoir, les deux complices ne se lâcheront plus.
Montrant toutes deux une aisance particulièrement précoce dans la discipline, elles se livreront une guerre muette jusqu’au sommet du ski mondial. « La chance que j’ai eue, c’était de posséder une famille très soudée. On est arrivés à Val d’Isère sans un sou. On a dû construire notre chalet de notre propre main.C’est finalement mon père qui a pris une décision importante, en nous faisant toutes deux arrêter l’école avant l’âge, mais avec la promesse que nous devions gagner dans le sport », expliquait Marielle Goitschel sur le plateau de « On est pas Couchés » en 2008. L’état d’esprit exemplaire qu’inspire leur père, grand sportif et ancien résistan tout en étant un fervent défenseur du drapeau français et de ses valeurs, va insuffler aux sœurs Goitschel une surdose de motivation pour représenter le pays au plus haut niveau et le faire briller.
Une précocité unique
16 ans et 6 mois : c’est l’âge de Marielle Goitschel lorsqu’elle est devenue pour la première fois championne du monde. L’épreuve du combiné (discipline du ski alpin qui mélange la descente lors de la première manche et le slalom lors de la seconde), qui plus est à domicile, dans la station alpine de Chamonix, lui sourit. Imperturbable sous sa figure de poupon, l’athlète adolescente récidive lors du slalom, épreuve technique par excellence, où elle empoche une médaille d’argent. Sa sœur Christine n’est alors pas encore sélectionnée dans la délégation française, mais la mainmise des sœurs Goitschel sur le circuit mondial ne va pas tarder à s’opérer.
L’année 1964 est une nouvelle année phare dans la benjamine. Vainqueure du Combiné du Kandahar à Garmisch, qui constitue la troisième épreuve majeure de la saison de ski alpin, Marielle Goitschel réalise des performances identiques à ses premiers mondiaux lors des championnats du monde d’Innsbruck (l’Or en combiné, l’argent en slalom), mais elle glane en plus un nouveau titre lors de la dernière épreuve : le slalom géant, course reine qui l’avait vue atterrir au pied du podium en 1962. À 19 ans, la benjamine de la fratrie Goitschel possède déjà un palmarès hallucinant, avec cinq médailles mondiales en deux éditions.
Innsbruck 1964, le doublé des soeurs Goitschel
Qautre ans après ce que l’on peut considérer comme la pire olympiade dans le sport français, l’armada bleue arrive confiante en Autriche, pour les Jeux Olympiques d’Hiver d’Innsbruck. D’autant que Marielle Goitschel est bien épaulée. Chez les hommes, le grand espoir tricolore est un dénommé Jean-Claude Killy, qui n’explosera en réalité que quatre ans plus tard (avec un triplé historique aux Jeux de Grenoble 1968), alors que chez les femmes, camouflée entre les Américaines et les Allemandes, Marielle voit l’émergence de sa grande sœur, Christine, qui l’a coiffé au poteau lors des derniers mondiaux en slalom. Spécialiste de l’épreuve, l’aînée ne part pourtant pas favorite. Marielle est plus expérimentée, semble plus virevoltante, plus intouchable lors de ses chronos. Pourtant c’est bien sa soeur, auteure de la course parfaite, qui devient la première Française championne olympique d’une discipline alpine, lors de ce slalom qu’elle remporte haut la main. Marielle Goitschel arrache malgré tout la deuxième place, devant l’Américaine Jean Saubert, alors la rivale la plus coriace de la fratrie.
Deux jours plus tard, lors du slalom géant, les cartes sont rabattues. Et les rôles inversés. La cadette confirme enfin son statut de numéro 1 mondiale et empoche facilement cette épreuve(qui ne comporte à l’époque qu’une manche) devant sa soeur et Saubert, deuxième ex aequo. Les deux sœurs de Val d’Isère réalisent alors qu’elles viennent d’entrer de manière tonitruante dans l’histoire des Jeux Olympiques. Jamais une fratrie n’avait remporté deux titres olympiques avec si peu de jours d’intervalle. Ce double doublé déclenchera une vague de sympathie de la part du public français, qui s’éprend pour la spontanéité et la joie de vivre contagieuse des jeunes sœurs. À 19 ans, Marielle Goitschel, « sportive préférée du Général » est déjà une pionnière accomplie de son sport dans l’Hexagone. Très vite, trop tôt?
Une fin de carrière prématurée
La suite n’est pas moins brillante. Septuple championne de France, Marielle Goitschel complète sa collection dans la course mythique annuelle de l’Arlberg-Kandahar, où elle s’impose une seconde en fois en 1965 puis en 1967 à Sestrieres. Triple championne du monde à Portillo, peut-être la compétition qu’elle survole le plus (le titre en descente, l’épreuve qu’elle avait jusqu’alors le plus de mal à s’approprier, lui reviendra trois décennies plus tard lorsque l’on découvrira que la première place a été attribuée à un homme, Erik Schinegger). Le début de la fin survient au début de l’année 1968, où Goitschel enchaîne les contre-performances lors des Mondiaux de Grenoble (8e de la descente,7e du géant). Malgré une belle victoire en slalom, son statut de favorite est plus que jamais contesté.
Mais, avec la venue des Jeux Olympiques d’Hiver en France pour la première fois depuis 1924, la Varoise, toujours aussi détendue lors de ses avant-courses, cherche à relancer une carrière qui semble déjà faire du surplace. Avec notamment l’émergence de skieuses comme la Canadienne Nancy Greene ou Annie Famose, jeune compatriote originaire de Jurançon, Goitschel – et son ski si peu académique, très agressif – vadevoir une nouvelle fois se réinventer pour espérer rester au sommet. Une double désillusion interviendra très vite. 8e de la descente, 7e du géant, la Tricolore est très loin de ses standards habituels. Pourtant, c’est au forceps qu’elle ira remporter l’épreuve du slalom, définitivement sa course de prédilection, pour asseoir un peu plus son nom dans le panthéon du sport.
L’athlète qui a ouvert la voie
Double championne olympique, septuple championne du monde, Marielle Goitschel est considérée comme la plus grande skieuse des années 60. Malgré tout, elle n’a remporté ni la Coupe du Monde de Ski (créée tardivement en 1967) ni le K de diamant , trophée ô combien prestigieux décerné aux skieurs ayant totalisé 5 podiums (descente, slalom ou combiné) sur cinq années consécutives. C’est pour ces raisons qu’on lui reprochera l’annonce de sa fin de carrière, peu après les Jeux de Grenoble. À 23 ans, Goitschel dit stop. Un événement éclipsé par le triple exploit de Jean Claude Killy, mais un réel coup de tonnerre pour le clan français.
La licenciée du club de Val-d’Isère aura éclaboussé, durant 6 ans, le ski alpin, discipline si exigeante, et où les blessures sont souvent inévitables et représentaient de réels coups d’arrêt dans une carrière. Portée par un véritable orgueil de championne, Marielle Goitschel tire finalement sa révérence sur cette dernière médaille d’or. Peut-être la plus belle. Depuis, plusieurs étoiles françaises sont venues prendre le relais, de Picard à Montillet, en passant par Vidal et Worley. Portant inconsciemment tous en eux, l’âme de guerrière de la vétérante des pistes, qui était déjà au-dessus du lot dès le plus jeune âge.
Photo à la Une : (@IOC)