Sacrée championne d’Europe de MMA à Rome en juin dernier, Estelle Chambeau Rousseau a pris le soin de se confier pour Le Sport au Féminin. Son parcours, son titre, ses ambitions, la vie d’étudiante et de sportive, la Niçoise nous dit tout.
Une passion débordante pour le sport. En particulier pour le MMA, qu’elle a découvert par hasard il y a quelques années, alors qu’elle faisait ses études à Marseille. Une révélation pour la Niçoise, qui n’a plus jamais quitté les salles d’entraînements. Dans un pays où la discipline n’est pas (encore) légalisée, Estelle Chambeau Rousseau avance sereinement, sans se projeter outre mesure. Si les mondiaux en novembre prochain sont en ligne de mire, seul le présent importe et la jeune Française vit chaque instant à fond « minute après minute, round après round, combat après combat. »
Aujourd’hui, elle partage son temps entre ses études en pharmacie et en commerce, et ses entraînements au boxing squad de Nice. Un emploi du temps surchargé, mais pas de quoi effrayer la tricolore. Entretien exclusif avec une sportive passionnée et pleine d’énergie, qui fera surement encore parler d’elle dans les mois et années à venir.
Parlez-nous de votre parcours
C’est assez dingue que je me sois retrouvée à faire du MMA et que cela marche aussi bien pour moi. A la base je faisais du badminton, j’ai commencé le MMA lorsque je faisais mes études à Marseille. Je n’avais pas envie de prendre le bus ou le métro pour aller faire du sport et j’ai donc cherché quelque chose de près de chez moi. J’ai trouvé une salle de combat et je me suis dit que c’était le bon moment. J’ai tout de suite adoré et je n’ai plus jamais lâché ! C’est un sport qui colle à mon caractère. J’aime le fait qu’il n’y ait pas de coupures, il y a plus d’adrénaline et de pression, on a moins le droit à l’erreur.
Je m’entraîne au boxing squad à Nice. Il y a plusieurs entraîneurs dans ce club qui sont chacun spécialisés dans un domaine (sol, pied poing etc..). Le gérant de la salle est Aldrica Cassata, c’est également l’entraîneur de l’équipe de France et c’est lui qui m’a poussé à aller aux sélections pour les championnats d’Europe, il a toujours un œil sur moi. Il y a une cinquantaine de membres et il n’y a que deux filles. Je m’entraîne la majorité du temps avec des garçons mais je croise parfois les gants avec Manon Fiorot.
Comment gérez-vous la vie d’étudiante et de sportive ?
Je suis en dernière année de doctorat en pharmacie et je suis actuellement en stage de fin d’études. Cette année j’ai également fait un master en économie et j’ai un mémoire à écrire. A côté de ça je m’entraîne tous les soirs, ça a été une année très chargée pour moi. C’est difficile de gérer les deux. Il y a eu des jours où je n’avais pas forcément envie d’aller travailler, réviser. Je rentrais de l’entraînement à 21h, et je devais encore étudier jusqu’à deux heures du matin.
Je n’aime pas faire les choses à moitié, j’ai commencé mes études et je veux aller au bout des choses. Pour le sport, je suis arrivée à un stade où si je rate un entraînement je culpabilise. Je ne veux pas avoir ce genredes pensées donc je ne rate jamais les entraînements ! (Rires)
Quelles sont vos ambitions pour la suite ?
Je ne me prends pas la tête avec ça. Aux championnats d’Europe, mon entraîneur me disait « minute après minute, round après round, combat après combat. » J’aime appliquer cette phrase à ma vie quotidienne, je ne projette pas et j’essaie de profiter au maximum. Cette année il y a les championnats du monde de MMA du 9 au 17 novembre à Bahreïn. Je me rends à Paris tous les mois pour les rassemblements de l’équipe de France et j’aurai la réponse définitive en septembre.
Quelles sont les particularités du MMA ?
C’est un sport atypique et les entraînements sont vraiment tops, même pour ceux ou celles qui ne veulent pas faire de compétition. C’est une discipline très complète, on travaille le cardio, on renforce tout le corps et on se défoule c’est le plus important, car être assis derrière un bureau toute la journée ce n’est pas possible ! (Rires). Beaucoup de gens pensent qu’on se « cogne » non stop, mais les entraînements sont très différents des combats. Ce que j’aime c’est qu’il n’y a pas vraiment de répétitions, de routine. Chaque jour est différent.
C’est un mélange de tous les arts martiaux et il faut être très complet (combat debout, au sol etc ..). Contrairement aux idées reçues, le MMA n’est pas simplement du free fight, il y a une grande dimension tactique, il faut savoir s’adapter à chaque adversaire. Chez les professionnels il y a cinq rounds de cinq minutes, et chez les amateurs trois rounds de trois minutes. Il y a énormément d’intensité dans un combat et c’est très fatiguant. on a une minute de repos entre chaque round mais on ne la voit jamais passer (Rires).
Les gens pensent souvent que la cage est là pour faire le show, apporter du piment, alors que ce n’est qu’une question de sécurité et de protection. Etant donné qu’il y a beaucoup de prises différentes, ce serait trop dangereux de faire cela sur un ring, il y aurait beaucoup d’accidents avec les cordes.
Quel est votre ressenti sur le MMA en France ?
En France on ne peut que s’entraîner, on n’a pas le droit de combattre où de faire des compétitions. C’est le plus compliqué, car on est obligé d’aller à l’étranger pour participer à des compétitions. Soit on est professionnel, on va à l’étranger disputer des tournois et on peut avoir un retour financier (Cage Warrior, Bellator etc). Si on est en équipe de France, on ne peut pas avoir de contrat professionnel et on n’a pas le droit d’aller à l’étranger disputer ces compétitions. Aux championnats d’Europe par exemple j’ai disputé mon tout premier combat ! J’appréhendais un peu mais au final ça s’est très bien passé.
Beaucoup de choses vont changer quand la discipline sera légalisée. On pourra combattre en France et ça sera un gros changement. Surtout, on aura un retour financier. Car jusqu’à présent tout est à nos frais (déplacements, compétitions). Il n’y a pas de fédération donc pas de financement, c’est également compliqué de trouver des sponsors car ils ne veulent pas forcément investir dans quelque chose qui n’est pas légal. Le dossier sera déposé en septembre pour la légalisation du sport, et cela deviendra officiel en janvier 2020.
Votre titre de championne d’Europe
C’était ma toute première compétition. J’ai eu des combats difficiles. Le premier tour était face à la championne d’Italie. En demi-finale j’ai affronté la championne d’Europe en titre, c’était vraiment un gros combat, très intense, et j’ai d’ailleurs gagné par décision partagée. En finale j’ai combattu une Anglaise, qui était championne du monde en titre de la catégorie inférieure. On avait beaucoup travaillé le côté lutte, cage control et ça m’a beaucoup aidé.
Photo à la Une (@Nathan Davies, filmnathan)
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