Médaillée de bronze aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004 avec le relais 4x100 m, Muriel Hurtis a l’un des plus beaux palmarès de l’athlétisme français. Avec 6 médailles aux Championnats du Monde et 6 aux Championnats d’Europe, la Bondynoise a mis un terme à sa carrière de sportive de la plus belle des manières avec un titre européen avec le relais 4x400 m en 2014. Jury pour les Peace and Sports, Muriel Hurtis s’est confiée pour Le Sport au Féminin.
La spécialiste du sprint a rangé ses chaussures depuis sept ans mais reste active dans l’univers du sport. La semaine dernière, l’organisation basée à Monaco, Peace and Sports a dévoilé ses Awards pour l’année 2021. Muriel Hurtis était l’une des membres du jury. Aujourd’hui dans le domaine de la communication au Crédit Agricole Alpes Provence, l’ancienne athlète de 42 ans a réussi à la perfection sa reconversion et espère bien aider les jeunes générations dans ce processus.
Pourquoi vous êtes-vous engagée dans l’organisation Peace and Sports ?
C’est une association pour laquelle j’ai été sensibilisée par les actions qu’ils mènent sur le terrain et auprès des jeunes en réinsertion. Quand on m’a présentée tout ce que Peace and Sports faisait et les messages qu’ils passaient à travers leurs actions, j’ai accepté. En tant qu’ancienne sportive — j’étais sportive quand j’ai été sollicitée — je sais ce que le sport peut véhiculer et apporter comme bienfaits. C’est pour ces raisons-là que j’ai décidé de participer à cette aventure en devenant ambassadrice de Peace and Sports.
« L’engagement dans une activité sportive est un état d’esprit qu’il faut avoir dans la vie de tous les jours »
Cette année, quand on m’a proposé de faire partie du jury des Peace and Sports Awards, j’ai naturellement dit « oui » pour mettre en avant les projets vecteurs de messages positifs et d’actions qui sont proposés sur le terrain. L’outil du sport est tout simplement merveilleux et universel. Quand on est sur un terrain, on voit qu’il n’y a pas de couleur politique, de différence sociale ou culturelle. On est tous là pour la même chose : faire du sport ensemble et le faire avec plaisir. C’est pour toutes ces raisons que j’ai accepté. Le sport véhicule des valeurs qui peuvent aussi aider beaucoup de jeunes. C’est dans ce sens que je suis intervenue dans des ateliers de jeunes en réinsertion. Ils prennent conscience que l’engagement dans une activité sportive est un état d’esprit qu’il faut avoir dans la vie de tous les jours.
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Vous avez fait partie du jury des Peace and Sports Awards, comment avez-vous réussi à départager les nommés ?
Cela se fait à la sensibilité. Ce n’est pas facile de départager puisque tous les projets sont beaux et méritent d’être récompensés mais il faut faire un choix. Je me suis basé sur ce que j’ai vécu en tant que sportive et sur les projets qui m’ont le plus parlé.
Il y a sept ans vous terminiez votre carrière sportive, Quel regard vous portez à posteriori sur celle-ci ?
Je suis fière de la carrière que j’ai menée. Je n’ai aucun regret. Avec le recul, j’ai fini ma carrière en beauté avec un titre de championne d’Europe (elle remporte le 4x400 m avec Marie Gayot, Agnès Raharolahy et Floria Guei en 2014 à Zurich) donc je suis parti quand je l’ai décidé. Je n’étais pas blessée ni frustrée. Pour moi, j’ai eu une belle carrière. J’ai eu la chance de monter sur un podium olympique avec le relais. Même si je ne l’ai pas fait en individuel ou sur la plus haute marche du podium, l’avoir réalisé est un aboutissement personnel. J’ai pu rencontrer de merveilleuses personnes, découvrir différentes cultures grâce aux voyages et aux compétitions que j’ai faits dans le monde entier. Le sport m’a vraiment construit et aujourd’hui je suis fière d’avoir pu faire ce petit bout de chemin. C’était une étape de ma vie importante et grâce au sport, j’ai acquis beaucoup de maturité et de valeurs.

Comment vous avez construit votre après-carrière ?
Sur ma fin de carrière, je me suis rendu compte que la vie derrière elle était encore longue. Mes partenaires ont commencé à me faire comprendre que j’étais sur la fin de carrière et qu’ils allaient un peu plus miser sur les jeunes. Je me suis un peu réveillée et je me suis dit : « Mince, qu’est-ce que je vais faire après ma carrière ? ». Je me suis questionnée sur moi-même, qu’est-ce qui allait me motiver parce que c’était un véritable changement de vie. J’ai fait le choix de reprendre des études et de commencer cette transition entre ma fin de carrière et une nouvelle orientation. Ça m’a beaucoup aidé à prendre du recul et à terminer aussi ma carrière sportive, ce qui peut parfois être très violent.
« Mince, qu’est-ce que je vais faire après ma carrière ? »
J’ai repris des études, j’ai passé un diplôme de psychomotricienne que j’ai obtenue en 2015. Je l’avais déjà entamé avant de terminer ma carrière (la formation dure 3 ans) et j’ai exercé très peu de temps. J’ai eu la chance d’être sollicité par une entreprise qui n’a rien à voir avec les études que j’ai faites. C’était un choix de vie et j’ai tenté une nouvelle aventure. Cela fait 6 ans que je travaille au sein de cette entreprise dans un service communication. J’ai beaucoup appris sur le terrain et ça se passe très bien. Je reste dans l’univers du sport et dans les valeurs que j’ai côtoyé toute ma carrière. La vie que je mène me plaît beaucoup et je me rends compte de la chance que j’ai d’avoir pu rebondir après mon arrêt de carrière.
« J’espère qu’on pourra devenir une nation avec une véritable culture du sport »
Avez-vous des objectifs à l’avenir ?
Pas particulièrement. Je garde une activité physique. Maintenant, je cours plus sur des longues distances et dans des trails. Ce sont des petits objectifs sportifs pour me challenger un petit peu dans un univers qui n’était pas ma spécialité.
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Le comité d’organisation de Paris 2024 a annoncé que la cérémonie d’ouverture aura lieu sur la Seine, est-ce que vous avez hâte de suivre et de participer à l’évènement ?
Bien sûr ! J’ai hâte de voir les Jeux à Paris parce que ça fait un moment qu’on les espère et qu’on les veut. Je sais que ce sera une très belle fête, un évènement réussi. J’ai hâte et c’est sûr que je serais là pour les voir et apprécier tout le travail que le COJO (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) aura mis en place. Je trouve ça génial d’avoir les JO 2024 à Paris pour toute la population française et pour la jeunesse. Une dynamique va se créer autour du sport et derrière j’espère qu’on pourra devenir une nation avec une véritable culture du sport.
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Quel regard vous portez sur l’athlétisme français actuellement ? Et qu’est-ce qu’on peut espérer dans trois ans ?
J’espère que cette équipe de France va briller en athlétisme. C’est vrai que sur les derniers Jeux, ça n’a pas été de très bons résultats avec une seule médaille (Médaille d’argent pour Kevin Mayer en Décathlon). On a une relève, dans certaines disciplines, qui rencontre des difficultés à émerger mais j’ai espoir. Il y a beaucoup de jeunes talents qui arrivent. On a eu de très bons résultats sur les championnats jeunes que ce soit en Juniors ou Espoirs donc cela laisse espérer de futurs athlètes qui pourront briller aux Jeux. Je leur souhaite en tout cas. Ils courront à domicile et ça donne aussi des ailes. J’espère que ces jeunes seront portés par le public. J’ai encore le souvenir des Championnats du Monde à Paris en 2003 où on a battu le record de médailles et jusqu’à présent on n’a jamais fait mieux (8 médailles dont 3 titres). Ça prouve que quand on est à domicile, on arrive à se transcender et à faire de grande chose. J’espère que c’est ce qui va se passer pour l’équipe de France.
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En 2008, vous aviez signé une pétition contre la Chine avant les JO de Pékin, la situation est une nouvelle fois délicate, comment les athlètes doivent réagir pour les Jeux Olympiques d’hiver ?
Ils peuvent faire part de leur mécontentement. Après dire à un athlète de ne pas participer aux Jeux alors qu’il s’est préparé pendant une olympiade pour ça, c’est un peu difficile. Il n’y en a pas beaucoup qui feront ce choix-là. Il faut montrer qu’on n’est pas d’accord en signant des pétitions. Le dire dans les médias est un moyen de faire passer ce qu’on ressent. Boycotter des Jeux pour un sportif, cela reste quand même difficile et compliqué à envisager quand on le prépare pendant quatre ans. Le sport est assez ingrat comme ça pour passer à côté de l’évènement qu’on prépare depuis de nombreuses années.